Bon… un an plus tard, je mets à jour ma critique d’1Q84, par
Haruki Murakami (oui, je réfléchis longtemps sur un texte, parfois).
Faut dire que 1- je ne suis pas très habile pour rédiger des
critiques, 2- la version que j’ai lue regroupe les trois volumes parus au
Japon, ça faisait donc plus de mille pages à digérer et 3- quelque chose
clochait…
Ça m’a pris un an à m’en rendre compte et un commentaire sur
Goodreads pour m’ouvrir les yeux.
Pour remettre les choses en perspective, je vous re-résume le
roman.
Le bouquin s’ouvre sur Aomame, jeune japonaise qui agit à
titre d’assassin, envoyée, de toute évidence, pour éliminer des hommes qui
commettent des actes de violence envers des femmes.
Prisonnière du trafic sur l’autoroute alors qu’elle est en
route pour exécuter une cible, elle choisit de quitter son taxi afin
d’emprunter une voie d’urgence, ignorant les avertissements de son chauffeur,
qui lui prédis que, lorsqu’on s’engage dans un chemin inusité, lorsqu’on
effectue un pas de côté pour choisir un chemin qui sort de l’ordinaire, la
réalité qu’on connaissait jusqu’alors peut prendre une apparence qu’on ne
reconnaît plus. (ouf, c’est une longue phrase, ça!)
Aomame quitte donc, sans le réaliser son monde pour pénétrer
celui d’1Q84, un monde pareil au nôtre mais aux différences subtiles (il y a
deux lunes dans le ciel, par exemple, mais, oh, je ne vous expliquerai pas tout
non plus!).
En parallèle, on suit le récit de Tengo, un auteur qui, sur
les conseils de son éditeur un tantinet louche, accepte d’agir comme
ghostwriter afin de réécrire le manuscrit d’une jeune étudiante qui raconte
l’histoire d’un monde étrange. Celui, on le comprendra, d’1Q84 (où deux lunes
traversent le ciel étoilé et où un peuple invisible se fraie un chemin à
travers la gorge d’une chèvre morte, mais, oh, je ne vous expliquerai pas tout
non plus!).
***
1Q84 semble s’intéresser aux abus faits aux femmes. Si on
cumule ce qui se rapporte à ce thème, on obtient : un manuscrit qui ne
peut être publié par une jeune écrivaine de 16 ans, il faut l’intervention d’un
homme pour que le bouquin soit un succès, une policière reléguée aux
contraventions de stationnement en raison de son sexe, policière qui finira
brutalement assassinée au terme d’ébats avec un inconnu, une amie d’enfance
poussée au suicide par la violence psychologique d’un mari étouffant, une
tenancière qui héberge des femmes battues après que sa propre fille ait subi un
sort semblable, un chef de culte qui abuse physiquement de jeunes filles pour
entretenir son lien avec l’étrange peuple mentionné plus haut, …
Aomame semble être un personnage créer pour répondre à cette
violence, pour redresser les torts. Elle est forte, solide, indépendante… et
assassine ses cibles de manière efficace et expéditive…
Mais, dans la deuxième partie du livre, l’auteur s’efforce
de la dégriffer, de lui limer les crocs et de l’étouffer lentement… lentement…
pendant 500 pages…
Après son contact avec le chef religieux, elle doit fuir le
courroux des membres de la secte…
… et se cache dans un appartement dans lequel elle se
barricade pendant des semaines… parce qu’elle porte désormais l’enfant de Tengo
(je ne vous expliquerai pas pourquoi). Tengo qu’elle n’a pas revu depuis vingt
ans.
C’est là que ça se corse et c’est là que je me fâche.
Aomame, personnage fort et indépendant, s’enlise, renonce à
sa liberté, s’immobilise et attend pendant 500 pages qu’un homme vienne
la délivrer.
Pire encore, c’est Tengo, qui s’est mis à écrire sa propre
histoire dans le monde d’1Q84, qui l’enchaîne ainsi (mais bon, c’est mon
interprétation), qui fantasme sur la gamine qu’il avait rencontrée à l’école il
y a vingt ans, qui s’imagine que, comme lui, elle garde un souvenir brûlant de
leur unique rencontre
C’est ce qui me choque.
Un personnage féminin, en lutte contre les abus, se résigne,
s’abandonne au sort de Tengo, lui voue un amour incompréhensible et attend
qu’il la libère de sa prison… C’est enrageant, quand on y pense comme il faut,
surtout compte tenu de la personnalité qu’on nous présente pendant la première
moitié du livre.
Voilà le détail qui coche, qui détonne, qui me creuse la
tête depuis un an.
C’est dit!
Merci!
J'ai trouvé la troisième partie insupportable et interminable, et je me l'expliquait mal, outre l'immobilisme et la lenteur généralisée de cette partie. Cette très bonne analyse m'ouvre les yeux!
RépondreSupprimerMerci!
Tout s'explique si tu considères que le jour n'est pas encore venu où les Japonais considéreront VRAIMENT les femmes comme des égales (dans leur vision traditionnelle, hommes et femmes sont complémentaires, mais cette vision s'est distordue avec le temps, au détriment des femmes). Les Japonais semblent beaucoup apprécier l'idée que la femme la plus indépendante et forte est simplement celle qui n'a pas encore trouvé l'amour (et l'homme qui l'enchaînera, captive consentante, grâce à cet amour).
RépondreSupprimerC'est entre autre pour ça que je préfère les romans japonais historiques et/ou ceux qui se passent dans des univers masculins ou alors les romans modernes écrits par des femmes! :p
@Annie
RépondreSupprimerJ'aimais bien l'interaction du bodyguard et du détective privé, mais sinon, la troisième partie était très difficile à traverser.
C'est plate, traverser un roman...
@Gen
RépondreSupprimerOuf, d'accord, je comprends un peu mieux...
C'est dommage, car Haruki Murakami nous a habitués à autre chose!
Dans tous les cas, ton analyse complète la mienne! Merci!
@Pat : De rien! ;)
RépondreSupprimerMais pourquoi tu lis des trucs pareils? Ne t'avise surtout pas de retenir ça pour la suite de tes bouquins, hein? On les aime casse-pieds et indépendantes, tes héroïnes! ;P
RépondreSupprimerOuf! Plus je vois d'avis sur ce livre, moins il me tente!
RépondreSupprimer@Hélène
RépondreSupprimerParce que j'aime cet auteur, malgré tout :)
Mais je retiens tes recommandations au sujet de mes héroïnes! Je ne compte pas les changer!
@Selena
RépondreSupprimerAs-tu lu autre chose de Murakami?
Je te suggère fortement de lire Les Chroniques de l'Oiseau à ressort. Ça, c'est de la bombe :)