vendredi 23 janvier 2015

Entrevue avec... Eve Patenaude!

Cette semaine, je me suis entretenu avec Eve Patenaude, une amie écrivaine aux idées électrisantes dont j'apprécie particulièrement l'oeuvre. Même si la connais depuis plusieurs années, j'avais hâte de percer quelques-uns de ses mystères...



Bonjour Eve! Tout d'abord, merci de te prêter à ce petit jeu! On s'est rencontré la première fois au Salon du Livre de Trois-Rivières, en 2012, si je me souviens bien (ce n'est pas pour me vanter, mais j'ai une excellente mémoire...). Tu venais de publier le premier tome de La Tour de Guet. Mais, avant, il y a eu la trilogie des Pulsars. Et... Je ne t'ai jamais posé la question, je crois: Avant? Comment c'est arrivé? Qu'est-ce qui t'a menée vers l'écriture? Quelle est la première histoire que tu aies imaginée?


Oh, j'en ai imaginé des tas! La première, je ne saurais dire... J'ai écrit plusieurs nouvelles quand j'étais au cégep en lettres (j'étais rédactrice en chef de la revue littéraire du Cégep de Sherbrooke, Chimères). Des textes pas très bons, qui n'avaient pas ma propre couleur. Des expérimentations normales dans le parcours d'un auteur. Ensuite, j'ai fait un bac en littérature, mais je n'ai pas beaucoup écrit, à cette époque; je lisais beaucoup plus que je n'écrivais. La lecture a toujours été un besoin vital pour moi. L'écriture ne l'est devenue qu'avec le temps. Je m'adonnais parfois à la poésie, très obscure (même pas sûre que je la comprenais moi-même), qui n'a heureusement jamais été publiée. Au début de ma vingtaine, quelques-unes de mes nouvelles sont parues dans des revues comme Jet d'encre et Moebius. J'ai participé au collectif L'Aurore, premier titre publié chez la désormais bien établie maison d'édition Les Six Brumes. C'est à la maîtrise (en création littéraire) que j'ai voulu me lancer dans une entreprise plus importante, dans la rédaction d'un roman. J'avais cette histoire de SF qui me tenait, un récit de mondes parallèles et de doubles. Mais mon expérience a été désastreuse. Mon sentiment que la SF était boudée par mes collègues et mes profs, de même que mon attitude anti-élitiste franchement butée m'ont amenée à abandonner mes études après un an. Et je n'avais même pas eu l'occasion d'écrire une seule ligne de ce fameux roman. J'ai été dégoûtée de l'écriture pendant une couple d'années. Puis, j'ai eu mon premier fils. C'est comme si, à partir de là, je m'étais dit: y'a rien de plus impliquant qu'avoir un enfant, ma belle. Tu peux bien écrire ce que tu veux maintenant, ça ne sera jamais aussi effrayant que ça. Et toutes mes craintes et mes angoisses liées à l'écriture sont tombées d'un coup. C'est là que j'ai rédigé le premier tome des Pulsars. C'était la première fois que je réussissais à mener un projet jusqu'au bout. Je me rends compte après-coup qu'il existe dans ce livre un côté familial très fort. Bref, ma capacité à écrire, je la dois à mes fils.


Wouah! Donc, avant le premier tome des Pulsars, il y a tout un parcours! Restons dans le Avant... Des idées, si tu es comme 99% des auteurs qu'on connait... tu dois en avoir des tonnes! Quelle est la différence entre une idée qui naît et qui meure de sa belle mort au bout de quelques secondes et celle que tu choisis pour développer?


Je ne dispose que de peu, très peu de temps dans la vie pour écrire (en tout cas, beaucoup trop peu à mon goût!). J'ai bien plus d'idées que de temps à y consacrer. Des dizaines de dossiers s'accumulent dans mon ordinateur avec des notes pour des romans que je n'aurai jamais le temps d'écrire. Les idées qui ne donneront jamais de roman sont celles auxquelles je retournerai dans X mois/années, lorsque j'aurai du temps à y consacrer, et qui ne me feront pas dire: ah, ça, c'était bon! Qui ne rallumeront pas l'étincelle initiale. Ce sont souvent des idées qui, j'en prends conscience plus tard, sont trop faibles, ou trop complexes, ou trop peu originales, ou trop loin de moi et de mes goûts. Des idées que j'ai eues sur un coup de tête, que j'ai notées en les trouvant géniales, mais auxquelles je n'ai ensuite à peu près plus repensé. Cependant, il y en trois ou quatre dans le lot auxquelles je repense souvent et pour lesquelles je me dis: ah, là, faut que je trouve du temps pour ça, c'est trop bon! Un jour, j'aurai ce temps trop précieux et je rédigerai des chefs-d'oeuvre!!


Des idées qui sont trop loin de toi! Qu'est-ce qu'une idée 100% Eve? Qu'est-ce qui te fait tripper à tout coup! Tes thèmes de prédilections, quoi!


Depuis toujours, je suis fascinée par les monstres, dans le sens d'êtres différents de la norme. La perception qu'ils ont d'eux-mêmes, et que les autres ont d'eux. Si je pousse plus loin, il y a les métamorphoses et les mutations, que j'ai exploitées dans Les pulsars et La Tour de Guet. Ça fait longtemps que ces questions me passionnent. Je me rappelle avec émotion du Lac des cygnes (un film d'animation japonaise où on voyait une princesse se transformer en cygne), de Nils Holgersson (qui racontait les aventures d'un gamin transformé en gnome et qui voyageait à dos de jars au-dessus de la Suède) et du Vol des dragons (oh, quand Peter découvre qu'il se retrouve coincé dans le corps du dragon Gorbach... j'en ai encore des frissons!). Dans un autre ordre d'idées, je suis, surtout ces dernières années (peut-être en fait depuis que j'ai des enfants), quasi obsédée par les questions de vulnérabilité, de justice et de sacrifice. Ce sont des principes générateurs d'émotions vraiment puissantes, à mon avis. Juste de penser à ce qu'un personnage pourrait faire au nom de l'un ou l'autre de ces éléments, j'en suis toute retournée... Et, d'une façon plus superficielle, j'éprouve une certaine fascination pour les monarchies et les royaumes. (Promis, ça n'a rien à voir avec le mini prince George de Cambridge!!) De songer à la pression engendrée par le fait de savoir que l'on héritera de tout ce pouvoir et de toutes ces responsabilités, non pas à cause de sa compétence, mais à cause d'un simple lien de sang... ça me trouble. Tout cela est de la bien belle matière à histoire!


Revenons à ton œuvre. J'observais ta bibliographie... Les Pulsars, La Tour de Guet... puis Clandestine (de la série Clown Vengeur) et un Cobaye. J'ai l'impression qu'il y a une coupure. Un avant et un après. Une première phase plus fantastique, plus jeunesse, puis un tournant plus sombre. Est-ce un choix? Ou un simple hasard dans l'ordre des publications acceptés chez tes éditeurs?


Il faut dire que les Clowns vengeurs et Cobayes sont des projets de groupe pour lesquels j'ai été approchée, et pas des projets à proprement parler «personnels», dont l'idée viendrait de moi. On peut donc plus ou moins les comparer avec mes publications précédentes. Par ailleurs, par un drôle de hasard (ou non), ils correspondent mieux à ce que j'ai envie de faire aujourd'hui. Hmm... peut-être pas tant que ça, tout compte fait, si je pense aux Pulsars, qui sont classés jeunesse, mais qui ont un côté assez dur quand même, qui me rejoint toujours. Si je devais trancher, je dirais que c'est La Tour de Guet qui cadre le moins bien dans mon parcours littéraire de publications passées et à venir. C'est une série qui s'adresse à un plus jeune public (9-11 ans), et de la fantasy (qui est un genre qui me parle moins que la SF et le fantastique). Pour tout dire, le premier tome a été écrit non pas pour me faire plaisir à moi, mais pour offrir en cadeau à une amie précieuse; les deux autres tomes m'ont été commandés par la courte échelle. J'ai eu beaucoup de plaisir à les écrire, mais je me rends compte après-coup que c'est un genre et un public qui me correspondent moins bien que ceux touchés par mes autres écrits. Je suis plus «Young Adult», en bon français. Le projet sur lequel je travaille actuellement va plus dans cette direction, tout en ayant une ambiance qui rappelle un peu celle des Pulsars. Je reviens donc plus ou moins consciemment à mes premières amours!


Ah, zut! Je suis dans le champ, donc!


Hi, hi! Pas tant que ça, en fait! Même si les Clowns vengeurs et Cobayes sont des projets qui ne viennent pas de moi, ma façon de les aborder, ce qui se passe dans le texte, c'est moi à 100%... et c'est vrai que ces livres sont assez différents de mes publications précédentes, surtout dans la profondeur de la violence et la souffrance humaine. Je dirais que j'ai profité de l'occasion pour aller voir plus loin que ce que me permettait la littérature jeunesse.


Violence et souffrance humaine! Je savais qu'on arriverait à ça rapidement Dans Sarah et Sid, justement, on retrouve ces thèmes. Peux-tu nous expliquer un peu le projet, les prémisses de cette histoire J'ai des questions (que j'espère) intéressantes à te poser ensuite...


J'ai reçu au printemps 2013 un courriel des Éditions de Mortagne m'invitant à une rencontre «secrète» en compagnie d'autres auteurs triés sur le volet. Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre en arrivant là-bas! Les éditrices nous ont expliqué qu'elles souhaitaient publier un projet de groupe: que chaque tome de la série soit écrit par un auteur différent, que nous suivions tous un même concept, et que nos récits s'entrecroisent ou se répondent d'une manière ou d'une autre. Elles avaient envie de quelque chose qui nageait dans les eaux du thriller, du suspens ou de l'horreur. C'était à nous ensuite de décider ensemble de l'histoire que nous voulions créer, de l'avenue que nous voulions explorer. Nous avons «brainstormé» pendant quelques heures, ce jour-là, avec pizza et thé à la rescousse de nos neurones. À la fin de la rencontre, nous tenions l'idée de Cobayes: des gens qui décident pour différentes raisons de participer à la même étude clinique et qui voient leur comportement devenir étrangement violent... Nous étions vraiment enthousiastes!

Après, nous avons développé l'histoire de notre personnage chacun de notre côté. Nous étions en contact quasi quotidien grâce à un groupe fermé sur Facebook. Nous échangions sur nos idées et sur les mille et un détails sur lesquels nous devions nous entendre. C'était vraiment chouette de travailler en gang! De mon côté, j'ai tout de suite eu envie de tricher un peu et de raconter l'histoire non pas d'un seul personnage, mais d'un couple, qui passe à travers l'expérience AlphaLab. Je les voyais comme s'ils étaient vivants, Sarah si fragile, et Sid si droit. Et là, j'ai comme percuté un mur: comment mettre en scène l'horreur des effets du produit testé, comment traiter cette violence en apparence gratuite sans mettre en jeu mon sens moral? Avec Clandestine (Les Clowns vengeurs), j'avais déjà été tourmentée par de pareils questionnements. Mais Lex, ma Clandestine, était poussée par un sentiment de justice si fort que ça a été. Je n'avais rien de tel avec mes cobayes...


Comment as-tu réussi à traverser ce mur, dans ce cas?

Il a fallu que je trouve mon angle d'attaque: dans ce cas-ci, la vulnérabilité. À cause de ce qu'ils ont vécu dans le passé, Sarah et Sid sont tout simplement hyper vulnérables, ce qui engendre leur chute dans l'horreur. Jusqu'à un certain point, ils ne sont plus responsables d'eux-mêmes. À partir du moment où j'ai compris ça, ça s'est mis à couler tout seul! J'ai inscrit le mot «vulnérabilité» en gros sur un Post-it que j'ai collé bien en vue à côté de mon ordi, et je me suis laissé guider par cette idée tout au long de la rédaction de mon roman.


Et ça fonctionne. Les épreuves que vivent Sarah et Sid les rendent attachants et leur descente aux enfers n'en devient que plus... éprouvante! L'écriture s'est faite sur combien de temps?

Merci! Pour ce qui est de l'écriture en tant que telle, ça s'est fait plutôt rapidement. Si je me souviens bien, moins de deux mois à temps plein (je n'ai accepté aucun contrat de révision pendant cette période pour me consacrer à 100 % à mon manuscrit). J'avais réfléchi à mon histoire pendant plusieurs mois avant ça, alors il ne me restait plus qu'à la mettre en mots; rendu là, ça va vite. Et j'étais super motivée!

Et le processus éditiorial? Y a-t-il eu beaucoup d'éléments à arrimer au Grand Plan de la série suite à l'écriture de ton roman?

Non, pas tant que ça, c'était déjà pas mal tout en place! Il faut dire qu'avant de me lancer dans l'écriture, j'avais construit un plan hyper détaillé chapitre à chapitre d'une vingtaine de pages, que mon éditrice avait approuvé. C'est à ce moment-là que le gros du travail a été fait. D'emblée, on nous avait demandé de faire référence plus ou moins directement selon le cas aux autres personnages de la série. Les éléments que nous devions respecter d'un tome à l'autre avaient été décidés dès le départ, afin de nous permettre de nous lancer dans la rédaction de notre manuscrit en toute liberté.


Je suis curieux: fais-tu toujours des plans aussi détaillés? Si un archéologue littéraire mettait la main sur tes dossiers secrets, serais-tu fière de tes notes? ;)

Mes notes, c'est pas mal n'importe quoi, je serais gênée!! J'écris tout ce qui me passe par la tête à partir du moment où j'ai mon idée initiale, car je possède une horrible mémoire. Et je garde tout, même quand je sais que ça ne se rendra pas jusqu'au manuscrit, ce qui me donne des documents préparatoires hyper volumineux! C'est un beau fouillis, je m'y perds parfois moi-même!

Mes plans, eux, sont moins honteux. Je prends tout ce qui se tient dans mes notes et j'en fais une version 2.0, en quelque sorte, vraiment mieux ordonnée. La plupart du temps, je dirais que mon manuscrit ne déroge pas de ça à 80%. Mais j'ai quand même toujours des surprises! Quand je ne travaille pas dans le cadre d'un projet supervisé, quand je commence quelque chose pour moi seule, je me lance habituellement dans l'écriture sans plan, seulement à partir de mes notes. Mais plus j'avance dans le récit, plus je ressens le besoin de faire un plan pour le reste de mon manuscrit. Habituellement, je ne dépasse pas la moitié sans finir par le faire. Ça me sécurise quant à ma capacité de me rendre jusqu'au bout de mon histoire, et surtout, ça me permet de ne pas oublier tout ce qui me vient en tête en cours de rédaction... car mes idées fusent beaucoup plus vite que je n'écris!


Parlant d'idées... Évidemment, Clandestine et ton Cobayes sont des projets très personnels même s'ils s'inscrivent dans un cadre «choral», un projet de groupe. Mais que nous réserves-tu comme prochain bouquin? Où Eve s'en va-t-elle?


Je travaille depuis deux ans sur un gros roman (ou deux moyens romans, ça reste à voir) qui mélange des tas de choses qui me font vibrer: la nordicité (la neige, la glace, le froid pénétrant), la notion de sacrifice, la fascination malsaine des gens pour la souffrance d'autrui, la monarchie, l'amour. Je ne sais pas trop encore à quoi ça va ressembler, même si j'en ai un bon bout d'écrit. Ça se passe dans un royaume imaginaire. C'est de la science-fiction sociale, je dirais, mais qui possède un petit quelque chose du conte et du récit initiatique. Je n'arrête pas d'ajouter des pans complets à mon histoire, des couches de sens. C'est, à ce jour, le projet qui vient le plus me chercher dans mes valeurs profondes. Celui qui a la plus grande signification. Je crois que ce sera mon meilleur livre. Mais j'avance très lentement dans l'écriture. On dirait qu'il me faut prendre souvent mes distances par rapport à ce texte, comme si j'avais besoin de l'apprivoiser. Je passe de longue périodes sans ajouter une ligne; mais je réfléchis à pleine vapeur et je prends des tonnes de notes!

Bon! J'ai hâte de lire ça! Et, sinon, je crois qu'il y a une de tes nouvelles qui doit paraître bientôt dans Solaris? Autre chose dans le pipeline pour le lecteur avide que je suis?

Oui! «Le sourire d'Arkimède». Je suis tellement contente de cette première publication dans la revue Solaris! C'est vraiment un bel accomplissement pour moi. Le texte aborde un sujet qui me touche personnellement: le rapport entre deux jeunes frères, l'un très cérébral, et l'autre, hypersensible. Je me suis inspirée de mes fils en exagérant le tempérament de chacun, ce qui fait que cette nouvelle a une valeur toute particulière à mes yeux. L'amour fraternel est quelque chose qui m'émeut. J'ai deux sœurs que j'adore, et je vois ce même lien si fort dans la relation qu'entretiennent mes fils. Bref, il s'agit d'une nouvelle de science-fiction dans laquelle les enfants surdoués sont destinés à servir le gouvernement... ce qui ne fait pas l'affaire de certains. Une thématique assez classique, mais que j'ai traitée à ma sauce. À paraître quelque part en 2015


Et sinon, pour terminer, un conseil pour les écrivains qui hantent cette page?

Des fois, c'est bon de prendre une heure ou deux juste pour réfléchir à son histoire, allongé dans son lit ou sur le canapé. Lumière fermée, pas de bruit, juste vous et vos personnages. Chaque fois que je fais ça, des idées surprenantes m'apparaissent, amenant mon récit dans une direction que je n'aurais autrement jamais considérée. Mais... attention à ne pas vous endormir! ;)

Merci de tout coeur, Eve, pour tes réponses généreuses. Comme tu t'en doutes, j'ai hâte de lire encore! En attendant, je continuerai à te suivre sur ta pageEve Patenaude Auteure

jeudi 15 janvier 2015

Entrevue avec... Martin Daneau

Vous me connaissez, j'adore disséquer les cerveaux d'écrivains ce qui se cache sous un auteur et derrière son oeuvre. Malheureusement, les entrevues avec les écrivains québécois que j'affectionne (ou que je tolère froidement) se font rares. Alors, au lieu d'espionner leurs comptes Facebook, Instagram ou autre, à la recherche d'une étincelle de génie, j'ai décidé de passer à l'action!

Cette semaine (ou mois... trimestre? on verra bien à quelle fréquence je mettrai à jour ce segment...), j'ai décidé de remuer la tanière de Martin Daneau pour voir s'il avait des secrets intéressants à nous raconter.



Bonjour Martin! Merci de te prêter à ce petit questionnaire. D'abord, peux-tu te présenter? Qui es-tu, qu'as-tu écrit?

Pour la question qui je suis, disons que je m’investis de plus en plus dans ce beau métier d’auteur. L’écriture a toujours fait partie de ma vie, mais j’y ai consacré énormément de temps depuis les 3 dernières années. D’ailleurs, je n’ai jamais autant écrit que dernièrement.

Martin (celui sans chapeau),
 que j'ai rencontré au Salon du Livre de Sherbrooke 2014
Ce que j’ai écrit dans le passé? Mon premier livre a été publié lorsque j’avais 19 ans. Il s’intitule Le reflet du silence. C’est un très mauvais livre et je doute qu’une personne parvienne à se le procurer aujourd’hui (ce qui est une bonne chose :)). Toutefois, ce livre fut important car le goût d’écrire, encore incertain à cette époque, se développa tranquillement au fil des ans. Ensuite, j’ai publié un roman policier, Au service du diable, aux éditions JCL en 2007. Ce livre est beaucoup plus réussi que le précédent et je le considère comme pilier dans mon cheminement d’écriture. Après une autre longue pause dans l’écriture (où j’ai travaillé comme concepteur de jeux vidéo), je présente la série jeunesse Altessa dont les 2 premiers tomes ont été publiés en 2014 aux éditions AdA. Cette fois, je ne compte pas m’arrêter. :)


Pourquoi une si longue pause entre chacun de ces projets? Qu'est-ce qui t'a donné envie de reprendre le clavier?

Pour mes deux premiers romans, j’étais quelqu’un qui aimait écrire. Pour des raisons que j’ai encore de la difficulté à expliquer, j’ai connu une sorte de crise de pré-quarantaine à 35 ans. J À cet âge, pour la première fois, je souhaitais devenir écrivain et ne plus reléguer l’écriture à un passe-temps. La différence est au niveau du nombre d’heures consacrées à chaque semaine pour écrire. Comme je mentionnais plus haut, depuis les trois dernières années, je n’ai jamais autant écrit. Je dois aussi, très humblement, préciser que, comme bon nombres d’auteurs, j’ai connu mon lot de romans refusés.


Martin, j'entre dans le vif du sujet avec LA question qui me fascine toujours le plus: d'où ça vient? Quel est le point de départ de ton projet? Quelle est l'étincelle, qu'est-ce qui vient en premier quand tu entames un nouveau bouquin?

Pour la question d’où ça vient, l’écriture n’est pas une science parfaite. Il y a d’abord des idées sommaires qui se précisent avec le temps et qui s’emboîtent avec d’autres pour créer l’ébauche d’une histoire. Ensuite, je réfléchis à cette histoire et j’essaie de lui donner une cohérence avant de la faire vivre avec des mots. Pour moi, l’écriture est un exercice de patience. On prend une idée, on la développe, on l’étoffe et, avec beaucoup de travail et un peu de chance, elle peut devenir un livre publié. Une histoire débute dans le chaos et il faut ensuite l’encadrer avec une structure. L’exercice aide l’auteur à s’améliorer et, j’aime le croire, à devenir une meilleure personne. :)


Abordons maintenant cette nouvelle oeuvre que tu nous offres, Altessa. Peux-tu nous en parler? Comment est née cette Altessa?

Quand j’ai recommencé à écrire sur une base régulière, je voulais me tester et explorer différents genres et m’adresser à différents publics cibles. J’aimais l’idée d’une série jeunesse portant sur le fantastique. Ironiquement, Altessa a débuté avec une problématique. Le public cible étant en bas âge, j’avais de la difficulté sur la manière d’aborder la violence. Je désirais la minimiser tout en conservant un bon rythme et beaucoup d’action. C’est là que j’ai eu l’idée d’un monde fictif où les dieux, pour mettre fin aux guerres, menaçaient de lever une malédiction qui affecterait tous les habitants du royaume si un seul meurtre survenait. Ensuite, je désirais créer un monde fantastique en dérogeant à certaines règles du genre. Je ne voulais inclure aucun minotaure, cyclope, griffon et autres créatures mythiques et classiques. Une fois la problématique réglée et l’apport magique déterminé, j’ai constaté que c’était un conte que j’avais à proposer. C’est vraiment de cette façon que la série a pris forme. Comme quoi il n’existe pas de formule. :)


Altessa, donc! Je l'ai trouvée très... aérienne. Elle a ce côté naïf, cette façon légère de se déplacer. Pendant la lecture, je pouvais l'imaginer trottiner d'une occupation à l'autre. À la fois sérieuse et déterminée, mais aussi légère, encore empreinte d'une certaine innocence. Parle-nous de ton personnage principal. Qu'est-ce qui fait d'elle le moteur de l'histoire?

Ton observation est en bonne partie la réponse à la question. Altessa est à un âge où elle comprend de plus en plus le monde adulte tout en conservant une candeur propre à l’innocence. Cela lui permet de se détacher rapidement d’événements graves et de se montrer très attentionnée sur de petites choses composant le quotidien (surtout dans le premier tome). Dans cette série, son honnêteté fait et fera toute la différence.


Tu parlais plus haut d'un monde verrouillé par la menace de cataclysme divin si un meurtre devait être commis. Comment s'articule donc la menace dans ton monde? Qui inspire la crainte? Pourquoi?

Les dieux inspirent la crainte. Déçus par les guerres incessantes des hommes, ils prennent des mesures draconiennes pour imposer la paix. Les dieux restent évasifs sur la nature de la malédiction si un meurtre venait à être commis, mais pour faire comprendre la gravité de cette menace, ils engendrent, à chaque année, une période de sept jours consécutifs de catastrophes naturelles nommée la saison des éclairs. Ils obtiennent une paix durable par la peur et les habitants du royaume sont forcés de vivre autrement. Ils existent quatre familles royales dans cette série et l’une se montrera plus astucieuse pour se donner un ascendant sans contrevenir à la règle proclamée par les Dieux. Malgré elle, Altessa deviendra la pierre angulaire de tout le royaume. :)


Qu'est-ce qui a été facile dans l'écriture de cette nouvelle série?

Il m’a été facile d’aimer cette série dans son intégralité. Mes deux premiers romans sont très sombres. Au service du diable est un polar dur avec un dénouement n’ayant rien de festif. Cette série est beaucoup plus positive et rayonnante. J’ai l’impression d’avoir créé une certaine balance maintenant et cet univers m’a fait beaucoup de bien.


Qu'as-tu trouvé difficile?

Dans une série, on doit entrevoir le déroulement des événements à très long terme. Il faut se préparer beaucoup de contenu car on peut rapidement manquer d’idées. Ce n’est pas comme un stand alone où l’auteur n’a pas à prévoir une suite.


As-tu d'autres projets dans tes tiroirs secrets d'écrivain?

Oh que oui! D’ailleurs, je ferai bientôt une annonce concernant un tout nouveau projet en chantier. Et je ne compte pas m’arrêter là. :)


Qu'est-ce qui te fait aimer un livre? Y a-t-il un élément (un thème, une ambiance, un type de personnage) qui, à coup sûr, suffit à capter ton intérêt? C'est quoi une valeur sûre pour Martin Daneau?

Plus jeune, je lisais surtout du fantastique. Ensuite, j’ai eu une période où j’enchaînais les polars (coïncidant avec celui que j’ai écrit) avant de revenir au fantastique.

Ce qui me fait aimer un livre est tout simplement l’originalité. J’aime un auteur qui s’efforce d’étoffer son intrigue et son style. Tout auteur doit être conscient que les lecteurs ont probablement lu plusieurs livres avant le sien et qu’ils ont des attentes.

Il n’existe pas vraiment une valeur sûre et mieux vaut faire de belles découvertes. :)


Peux-tu partager avec nous une lecture récente qui t'a plu? Ou LE bouquin à lire à tout prix?

Je dois d’abord honteusement admettre que ma pile d’AdA monte plus vite que j’arrive à la faire descendre. :) Le dernier livre qui m’a le plus marqué est Neverwhere de Neil Gaiman. C’est un conte déjanté (dans le genre fantasy urbaine) où tous les personnages sont à leur place et campés avec brio. Par contre, je l’ai lu en anglais alors j’ignore si la traduction a affecté la qualité de l'histoire.


Et, pour finir, un conseil pour les écrivains plus ou moins chevronnés qui hantent cette page?

Comme je disais plus haut, pour moi l’écriture est un exercice de patience. Le succès est bien plus rare que le talent en écriture. La notoriété d’un auteur s’acquiert avec les années et elle ne sera jamais unanime.

Toi qui aime la science-fiction, tu dois savoir que des auteurs aussi célèbres que Frank Herbert et Philip K. Dick ont vécu maigrement de leur art avant de connaître le succès à la fin de leur vie. On parle ici d’auteurs cultes dont les œuvres ont inspiré des productions hollywoodiennes. Souvent, un auteur n’a pas assez d’une vie pour se faire un nom. C’est pour cette raison qu’il vaut mieux commencer le plus vite possible. :)

Merci beaucoup Martin pour tes réponses! J'espère te revoir bientôt dans un prochain salon du livre et, en attendant, je continue de suivre tes péripéties sur ta page Facebook, Martin Daneau Auteur.