jeudi 11 octobre 2012

4e bloganniversaire

Déjà!

Tu grandis vite, blogue.

On n'a plus souvent l'occasion de se parler. C'est normal, tu sais. J'ai ma famille. Tu vieillis. J'suis occupé avec mes bouquins. Tu parles d'étoiles et de je-ne-sais-trop-quoi encore. Non, c'est vrai, on s'éloigne un peu, je m'en rends compte.

C'est drôle. J'ai l'impression que tu changes. Qu'on ne se dit plus tout comme avant.

Mais, en même temps, je lis ce qui traîne dans tes archives et je te reconnais encore. Tu racontes toujours à peu près les mêmes trucs. Je te lis et je devine encore les mêmes contours, la même forme. Les choses ont changé, c'est sûr. Et toi-même, tu ne penses plus tout à fait comme tu le faisais, mais... je sais pas.

Je jette un oeil à travers ta fenêtre, pour voir ce qui se passe de ton côté de l'écran, et j'ai l'impression... c'est dur à dire. C'est familier. J'étire le cou, curieux, et il je perçois une image familière. Réconfortante, même.

J'entends les touches d'un clavier... et je me dis «Pfff... t'es encore là...»

Et tu écris...

***

Et, à vous qui nous lisez, le blogue et moi, un grand merci. Merci de vous occuper de cet endroit pendant que je trottine à gauche et à droite, un biberon d'une main et un stylo de l'autre.


***

Afin de respecter les traditions (qui a eu cette idée, au juste!?!), je partage avec vous un petit texte que j'ai pondu récemment pour un forum. Les contraintes d'espaces étaient serrés et le délai plutôt court (comprendre, je m'y suis attelé quelques heures avant la date de remise...)
Qqova porta la main à son visage. Le souffle chaud du désert n’arrivait pas à chasser les frissons qui lui assaillaient la colonne vertébrale. Agenouillée sur le sable, le dos contre le puits, Qqova reprenait ses esprits. L’attaque avait été si soudaine, si foudroyante. 
 La chose se savait donc traquée. Depuis quand? se demanda Qqova en se massant le front. Elle avait observé ses traces, guetté ses déplacements, de loin, sous le couvert des dunes, mais jamais Qqova n’avait perçu de changement d’attitude chez sa proie. Et pourtant, l’Enlikiel l’avait attirée jusqu’ici et lui avait tendu ce piège. 
 La nomade remua ses pensées de fond en comble, à la recherche de l’indice qui lui avait échappé. Quand s’était-elle trahie? Un vertige l’envahit alors qu’elle projetait dans son crâne le film de sa chasse. Elle avait d’abord repéré la créature en se guidant grâce à l’empreinte que celle-ci laissait sur le paysage. Un malaise flottait sur son passage, comme si sa présence déformait l’environnement autour de lui, plaquant sur le roc qu’il foulait un filtre obscur, comme une image résiduelle qui agaçait la rétine. Sur sa piste, Qqova sentait ses tripes réagir. Une note vibrante montait depuis le sol où l’Enlikiel posait les pieds et se réverbérait dans ses entrailles.
 Au réveil, ce matin même, après que Qqova eut constaté que l’Enlikiel lui avait dérobé quelque chose, un troupeau de kalayals l’avait mise dans la bonne direction. Les bêtes, le museau dilaté et les yeux déments, galopaient à une vitesse furieuse, écrasant le sol et les maigres pousses de la steppe désertique. Elles détalaient à un rythme qu’elles ne pouvaient soutenir plus de quelques minutes dans cette chaleur, au risque de défaillir. Pourtant, elles s’échinaient ainsi depuis que Qqova les avait aperçues à l’horizon. 
 Alors, la nomade n’avait pas hésité. Rassemblant ses provisions et sa sagaie, elle s’était enfoncée dans le désert. De quel choix disposait-elle? Si Qqova ne se lançait pas à ses trousses, la créature s’évaporerait dans la nature à jamais avec quelque chose qui lui appartenait. Une partie d’elle se dissiperait d’ici la tombée de la nuit. Quand Qqova s’était éveillée, elle avait immédiatement compris que quelque chose lui manquait. Un pan entier de son être lui était inaccessible, verrouillé ou absent, vidé de sa substance. 
 Un crissement la fit sursauter. À nouveau, comme lorsque l’Enlikiel était passé à l’attaque, Qqova eut une impression de flottement entre ses perceptions et la réalité, comme si on découpait les images qui lui parvenaient et qu’on en soustrayait un certain nombre. La jeune femme tendit l’oreille. Le gémissement métallique se poursuivit, dispersant dans son dos une onde glaciale. L’Enlikiel agitait ses griffes contre les parois du puits. La chute, évidemment, ne l’avait pas terrassé. 
 Qqova se déplia et bondit sur le sol. Avec frénésie, elle fouilla le sable et le remua jusqu’à ce que les souvenirs remontent à la surface, se frayant un chemin à travers son esprit englué comme de petites bulles de conscience. La moitié de sa sagaie traînait par terre. L’autre extrémité, la pointe de sa lance, gisait au fond du puits avec la créature. Elle ne disposait de rien pour l’achever. 
 Le soleil déclinait à l’horizon et embrasserait bientôt les dunes au loin. Et un lambeau de son âme s’estomperait avec les dernières lueurs du jour. L’Enlikiel tirait une partie de sa puissance des étoiles auxquelles il s’abreuvait. En échange, la chose nourrirait les astres avec ce qu’elle lui avait dérobé le matin. 
 Le grincement qui remontait depuis la profondeur du puits se fit plus sourd. L’Enlikiel plantait ses griffes dans les interstices entre les pierres et se hissait. Bientôt, il aurait escaladé sa prison. Les yeux de Qqova s’écarquillèrent. Elle éprouva l’envie pressante de prendre ses jambes à son cou et de fuir cet endroit. Elle souhaitait se soustraire à cette vision, éviter de plonger le regard sur cette chose. Quand elle l’avait aperçue, plus tôt, déroulant son horrible silhouette noire contre le paysage de sable elle avait voulu fondre sur place. Comment se mesurer à une telle créature? Et dire qu’elle était à son état le plus vulnérable sous l’astre du jour. 
 Désespérée, la nomade récupéra la moitié de sa sagaie. Ainsi rompue, la lance ne pourrait être projetée. Si Qqova comptait s’en servir, il lui faudrait l’enfoncer dans les entrailles sombres, appuyer de tout son corps et perforer la forme élancée et cruelle de l’Enlikiel. 
 Le cœur de Qqova tonnait sous sa poitrine. Sa cage thoracique, tout à coup, semblait trop petite pour contenir ses battements. Elle se sentait étouffer et, malgré ses artères qui poussaient son sang dans ses veines, l’air lui manquait au cerveau. Ses neurones pétillèrent à mesure qu’elle percevait l’ascension de l’Enlikiel. Avec prudence, la nomade posa une main sur le rebord du puits, se cambra contre la vieille pierre usée et arqua son bras armé. Une nouvelle fois, ses perceptions se saccadèrent, engluées par la proximité du monstre. Il grouillait tout prêt. 
 D’un bond, Qqova se jeta par-dessus la saillie et… 
… embrassa du regard son propre visage, vidé de ses couleurs, inversé, comme s’il s’agissait plutôt de l’empreinte de ses traits. Ses longs cheveux s’étiraient jusqu’à disparaître en filigrane sur une surface miroitante derrière elle, transpercée de l’éclat d’étoiles diaphanes. Son bras, difforme et noueux, brandissait la moitié d’une sagaie. Des yeux comme deux profonds tunnels l’attiraient au fond d’un abysse dénué de lueurs… 
 Qqova se sentit s’envoler et chuter en même temps...

11 commentaires:

  1. Wow! D'abord, félicitations à toi et à ton blogue qui formez une super équipe depuis quatre belles années. Longue vie à votre association! Et pour ce texte, il me laisse sans voix. Tu as vraiment beaucoup de talent et d'imagination. Et viens-tu tout juste de refaire une beauté à ton blogue, ou c'est moi qui suis lente à le remarquer? Jolie coup d'oeil.

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  2. Impressionnant, ton fragment d'histoire (bouche grande ouverte)! Toi là, tu as le don de semer des images avec tes mots. Inspiration activée! :D

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  3. 4 ans !!! Que le temps passe vite ! Joyeux Bloganniversaire et en route pur quatre de plus :)

    ..ET on se voit samedi mon cher :)

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  4. @Hélène
    Le blogue et moi sommes heureux de te compter parmi nos lecteurs et commentateurs assidus, Hélène! :)
    Oui, j'ai essayé de mettre le blogue aux couleurs du tome 3... Mais je m'ennuie déjà du regard nocturne d'Annika!!

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  5. @Stephy
    Merci merci!
    J'aime bien la finale, mais le reste est confus. Ça m'apprendra à m'y prendre à la dernière minute ;)
    Et toi et toi et toi, écris!!

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  6. @Pierre
    Hahaha, quatre de plus? Si vous me lisez encore d'ici là, ce ne sera pas un problème de continuer. Hey, dans quatre ans, peut-être que je pourrai engager Fiston comme collaborateur régulier ;)
    À samedi, Pierre!

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  7. @Richard
    Merci de la part du blogue!

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  8. Joyeux anniversaire, cher Avis d'expulsion.
    Je ne peux pas croire que tu as déjà quatre ans. Je n'ai pas connu tes premières années, mais je suis très heureuse que nos routes se soient croisée. Tu es un beau petit bonhomme dont l'avenir est lumineux. Merci de nous gâter de ta présence. ;)

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  9. Tu as peut-être manqué les deux premières années, mais Karuna et toi êtes tout de même les doyennes de ce blogue :)

    C'est à moi de te dire merci!

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  10. Wow... Ce récit est... wow! Que dire de plus?

    Bonne fête blog!!! :P

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