lundi 31 janvier 2011

Ce à quoi je pense en écoutant Rammstein

Une scène m'obsède.

Elle s'est logée dans mon crâne à mon insu, à un moment plutôt inattendu.

Au Centre Bell, avec mon beau-frère, quelque part dans les estrades, écoutant le groupe qui ouvrait pour Rammstein.

Je ne pense à rien de précis. J'observe le chanteur qui se démène un peu dans le vide sur scène (c'est ingrat, non, de faire la première partie d'un groupe plus populaire?). Je fais de mon mieux pour déchiffrer les paroles. Je discerne facilement les «fuck» et autres variations du genre, mais sinon...

Puis ça se produit.

Un mouvement sur scène.

Un simple mouvement du chanteur.

Et ça déclenche le réflexe.

La scène, complète, toute en images, en sons, en couleurs, se déploie dans ma tête.

***

Pauvre Rammstein.

Pendant qu'ils font exploser des trucs sur scène, qu'ils se tirent dessus au lance-flamme et qu'ils se marrent en chantant des obscénités en allemand devant une foule bruyante, moi je suis très concentré à mémoriser la scène qui vient de se matérialiser dans mon imaginaire.
«Oublie pas oublie pas oublie pas oublie pas oublie pas oublie pas oublie pas oublie pas»


***

La scène n'est toujours pas écrite.

Pour bien faire, elle devrait remplacer l'introduction d'Averia 1. Introduction que j'aimais bien.

Mais bon, je l'écrirai et réfléchirai comment l'intégrer plus tard.

Après tout, on dirait bien que j'ai encore le temps d'y penser en masse ;)

***

Rassurez-moi, ça vous arrive aussi, ce genre de trucs?

jeudi 27 janvier 2011

Sur le bord du chemin

Un paquet de toiles traîne sur le bord du chemin.

Je passe vite (jogging de soirée hivernale), mais j'ai le temps de voir un petit paysage sympa. Couleurs un peu criardes. Mais mignon. Et c'est signé A.

Ah ha...

Je comprends tout.

A. est ma charmante voisine. Du genre cute comme toute. L'été, en pyjama vers 16h00, elle traîne chien et pousse bébé dans sa poussette. Au moins une fois par semaine, elle court après son gros labrador qui ne peut s'empêcher de venir renifler le derrière de mon chihuahua sur mon terrain.
«Vraiment désolée...!» qu'elle s'excuse avec son petit accent.
«Bah! Dogs...!» que je lui réponds de mon plus bel anglais.

***

Je cours, donc.

Je me fais accroire que je me concentre sur ma respiration alors que mes pensées se moquent bien de suivre mon souffle et mes foulées. Elles virevoltent plutôt vers mon manuscrit. Comme d'habitude!

Tharisia 2 prend lentement forme. 24 000 mots sur papier. Et beaucoup plus encore dans ma tête.

J'suis dans la phase «marathon». Des petits pas. Le rythme d'un gars qui sait que la ligne d'arrivée n'est encore qu'un lointain espoir.

Au moins, en attendant, je m'amuse.

Si vous saviez comme je m'amuse...!

***

La dernière fois que j'ai vu A., elle sortait de chez elle, l'air fâché sous ses bouclettes bondes, avec un paquet de sacs, les fourrait dans son auto et s'engageait dans la rue en faisant crisser ses pneus.

Pas trop dur de faire des liens, n'est-ce pas?

En revenant de mon jogging, je croise à nouveau les toiles. Je souris malgré moi. Je me demande ce que Copine balancerait au bord du chemin si jamais elle me foutait à la porte. J'imagine l'ordinateur à moitié écrabouillé. Peut-être un paquet de feuilles volantes? Des petits morceaux d'histoire qui s'éparpillent au vent.

Un petit bout de Seki, Myr et Annika pour tout le monde!

lundi 24 janvier 2011

Petite pause...

...terminée!

Avais besoin de délaisser un moment mon roman ( wow! quatre jours sans écrire, c'est presque un record! ). J'étais un peu essoufflé.

Je dois vous avouer que c'est un peu la pagaille ces temps-ci.

Heureusement, quand le manuscrit va, tout va!

***

Bon, vous me connaissez. Quand je veux me vider la tête, je dessine.
Ce qui veut dire que je vais encore vous embêter avec mes croquis! Eh oui, vous ne vous en sortirez pas comme ça. C'est fou, quand même, ce que vous endurez pour lire mes quelques billets ;)

J'ai dessiné Myr, donc. Ça surprend encore quelqu'un?


Je me permets d'attirer votre attention sur l'ombrage du visage. Drette sec de même, c'est assez ordinaire, mais si on joue un peu sur les filtres, inversant quelques couleurs et...

Voilà, je trouvais que j'avais bien réussi mon coup. 

Mais, il y a de fortes chances pour que j'envoie le tout à Copine, histoire de voir ce que ses petits doigts magiques peuvent faire de ce croquis.

Si elle accepte de le retravailler, je lui offrirai une barre de chocolat (elle ne pourra pas refuser...).

Vous voyez que c'est plaisant de collaborer avec moi?

***

Pause terminée donc.

Demain je reprends tout. Promesses à remplir et bouquin à écrire. 

Tassez-vous de l'là!

mercredi 19 janvier 2011

Constellation d'ecchymoses

Cette expression vient de me traverser l'esprit.

Annika, qui nous décrit son visage suite à sa dernière bagarre. Elle nous montre la coupure qui gruge sa chair juste au-dessus de l'arête de son nez. Elle observe sa joue gauche enflée et colorée. Mauve tirant sur le noir.

Puis elle tâte ses côtes. Quelques-unes sont fêlées. Couvertes de bleus.

Comme une constellation d'ecchymoses...

***

Il y a un an, quand j'écrivais Averia 2, je me rappelle m'être plaint à Azdy.
-Je ne suis pas très tendre avec Myr... lui disais-je.

Ce qu'elle m'avait alors répondu m'était apparu comme une révélation.
-C'est pour ça qu'on s'attache à elle.

J'en ai depuis fait une ligne de conduite. Jouer sur les contrastes. La douleur pour mieux faire apprécier le bonheur. Les épreuves pour approfondir les réussites. Se planter pour rester humain, pour faire vivre. Pour s'élever davantage.

J'ai ensuite écrit ce qui constitue encore à ce jour ma meilleure scène à vie...

***

Ce que j'expérimente...

Je me suis toujours amusé avec la narration dans mes trucs. Deux points de vue principaux, un autre complémentaire. Pour Averia 2, j'y ai aussi inséré une mise en abyme. Vous savez, ces histoires dans les histoires.

J'ai repris l'idée pour Tharisia 2. Je parsème le récit de morceaux d'une autre époque. Le personnage raconté en deux temps. Au passé et au présent.

Sauf que...

En plein milieu d'une phrase, j'ai réalisé que je n'utilisais plus le passé simple depuis quelques paragraphes déjà. Je jette un oeil. Ça me semble pas trop mal. Même que ça coule mieux. Mais bon, j'ai commencé au passé simple, je vais finir au passé simple...

Alors je corrige tout et je continue.

Sauf que...

Morceau suivant, même chose.

Hum... bon, décidément, mon inconscient me joue des tours... J'y succombe. J'écris le reste de ces passages au présent.

Sauf que là...

Ça me titille. J'entends «ça ne serait pas mieux tout en Il et au présent». Comprendre: tout réécrire (les trois bouquins + celui en gestation).

Comme je dis, je ne sais pas.

J'expérimente.

Je réfléchis. Je termine celui-ci. Et après j'essaierai.

Et je prendrai la meilleure décision. En toute honnêteté.

mardi 18 janvier 2011

Kyiv?

Ce qui me fait penser...

***

Katrina.

Un projet au cégep. Des portraits sur les murs. De Québécois et d'immigrants du programme de francisation. Seulement le portrait. En noir et blanc. En dessous, la nationalité.

Katrina flâne à la bibliothèque dans la section des DVD. Moi j'attends dans la file, un paquet de livres sous le bras.

J'observe Katrina. Je la sais Ukrainienne. L'Europe de l'Est me fascine (le monde en entier m'est exotique). Je quitte la file, m'approche, lui dis bonjour.

Grands sourires. On échange nos prénoms.
-Patrrrice? Je prononce bien ton nom?
-Oui oui! Alors, tu es Ukrainienne?
-Oui! Ukrainienne!

Elle se raconte un peu. A étudié brièvement le français avant de venir ici.
-Quelle langue parlez-vous en Ukraine? Le russe?
-Je parle le russe, mais nous avons notre propre langue.

Bien sûr, crétin... Je m'en veux un peu de celle-là. Assimilation et tout, j'ai déjà lu là-dessus. J'espère ne pas l'avoir vexée.
-Peux-tu me dire quelques mots dans ta langue?

Elle me sort une courte phrase, des mots que je ne différencie pas les uns des autres. Des syllabes d'une autre couleur, d'une autre odeur.
-Euh... fais-je. Bonjour, comment vas-tu?

Ses yeux s'illuminent, s'agrandissent.
-Tu connais le ukrainien, qu'elle demande toute surprise.
-Haha! Absolument pas!

***

Katrina est très fâchée. Je la croise alors que je m'éclipse en douce d'un cours de philo.
-As-tu un médecin de famille? qu'elle me demande, le visage fermé.
-Euh...non...
-Comment on fait pour en avoir un?

Son français est cassant, coupant sur les bords. Sifflant, tranchant, inquiétant.
-Je ne sais pas trop...

Elle passe son chemin, ne m'accorde plus un regard.
-Hey! Attends. Y a-t-il un problème?

Sans s'arrêter, elle me donne quelques détails. Son bébé de deux ans est malade. Il fait de la fièvre.
-Et c'est comme ça que ça fonctionne chez toi? lance-t-elle. Si je veux qu'on le soigne, je dois avoir un médecin de famille?
-Non... il y a toujours les clin...

Elle ne me laisse pas le temps de finir.
-J'ai attendu 7 heures hier dans une clinique. Avec mon bébé en douleur. Je n'appelle pas ça des soins.
-Je...
-Ce n'est pas comme ça dans mon pays... murmure-t-elle.
-Je peux faire quelque chose?

Elle se faufile entre les étudiants, et disparaît dans son local de cours, sans me répondre.

***

Katrina mange et discute avec d'autres immigrants, pour la plupart des Colombiens. Je me joins à eux. Je lui demande où elle habitait en Ukraine. Elle me nomme son ancien patelin.
-Et comparé à Kiev, c'est où?

Elle me regarde, surprise.
-Kyiv? qu'elle prononce. Tu connais Kyiv?

J'hausse les épaules. À moi qui étudie l'histoire et la géographie, ça me paraît banal.
-Au fait, fais-je tout content de lui montrer que j'en connais beaucoup sur son pays, que penses-tu de ce qui se passe chez toi, avec les élections et tout?

Son visage change. Se ternit. Se vide.

Dans son pays, en ce moment, c'est la révolution. Des protestations dans la rue, des tensions, des grèves. Ses parents sont là. Ses amis sortent dans la rue.

Son coeur est encore en Ukraine.

Et moi, le twit, je lui en parle comme j'en causerais à d'autres étudiants. D'autres imbéciles comme moi qui parlent à travers leur chapeau. Qui commentent sans savoir, sans vivre.

Katrina ne me répond pas. Elle secoue la tête. Évite mon regard.

Je m'excuse et la quitte.

Pauvre con... que je me dis.

***

C'est aussi la dernière fois que je l'ai vue.

***

P.S.: La fin des suspenses bientôt. Vais vous parler de ce que j'expérimente. Pour le meilleur ou pour le pire!

dimanche 16 janvier 2011

Dépendance énergétique

Deux pannes de courants inexplicables.

Tout le quartier plongé dans le noir.

À minuit et quelque vendredi, alors que je délaissais mon manuscrit et que je pelletais l'entrée de la cour pour que Copine puisse se garer sans problème en revenant du boulot, tout s'éteint.

800 mots vaporisés dans le vide.

Ouch!

vendredi 14 janvier 2011

Quatre cigarettes plus tard

C'est le party de retour de mon ami. Il est revenu de son désert en un seul morceau. La musique est forte dans le bar, pas moyen de lui dire deux mots sans cracher ses poumons.

Un autre ami, appelons-le le Voyageur, sort fumer.
-Une mauvaise habitude que j'ai prise, m'explique-t-il.

On est dehors. Il fait pas trop chaud. Il me raconte un peu. Il me parle des emplois qu'il enchaîne coup sur coups, semaines après semaines. Il me parle de ce qu'il recherche. De ce qu'il aimerait accomplir.

Il me parle de fine cuisine. D'expérimentations. De saveurs. De jouer avec le goûter, avec les sens. Il veut découvrir et faire découvrir.

Il ne lui reste qu'à frapper à la bonne porte.

Il me parle et il se sent écouté. Je questionne, j'accentue, je nuance. Et il me déroule sa passion. La passion me passionne, vous me connaissez.

Quatre cigarettes plus tard, il me demande et toi ton livre?
-J'ai terminé le troisième et là je re-re-re-corrige le premier (nous étions fin octobre).

On en jase un peu. Aye aye aye, j'écoute mieux que je parle.
-Pourquoi écris-tu, Pat? qu'il me lance.
-Pour le cash.

C'est un réflexe chez moi. Quand la conversation tourne, je dis des niaiseries.

Mon copain rit, souffle un peu de fumée.
-Mais non, je sais que c'est pas vrai.

J'insiste, je déconne. Mais après m'avoir ouvert toutes grandes les portes de son univers, Voyageur ne compte pas me laisser m'esquiver ainsi.
-Qu'est-ce qui te pousse à écrire? Essais-tu de... de filtrer un message dans tes bouquins? De partager tes idées par tes personnages? De changer le monde avec tes romans?

Je fixe un peu le parc d'en face. Les voitures qui passent sur l'asphalte luisante.
-Euh.... non... pas vraiment.

Je réfléchis. Des gens sortent du bar et passent devant nous.

Voyageur attend, tire sur sa dernière cigarette. Il veut une réponse. Mais qu'est-ce qu'on répond à ça?
«Je peux pas faire autrement?» C'est le cas, mais c'est cheap comme réponse. Lui me décrit pendant trente minutes comment il rêve d'apprendre sous la tutelle d'un grand chef, de cuisiner quelque chose de nouveau, de vivre un défi quotidien, et moi je lui dis: «j'écris parce que je trippe». Mon copain, justement, veut les voir ces fameuses trippes. Il veut comprendre, les sentir.

Comme j'allais lui répondre, une autre bande s'extirpe difficilement du bar et nous séparent momentanément. Quelques gars et deux filles visiblement éméchés qui dévalent les marches devant moi, à moitié endormis à moitié sur le party.

Ils passent. Voyageur s'approche et je lui dis...

Au fait, vous lui auriez répondu quoi, vous?

mercredi 12 janvier 2011

Sauf que...

-Alors?
-Je crois sincèrement qu'il n'existe pas d'équivalent de ce mets au paradis. C'est comme si Dieu lui-même avait chassé les anges de son domaine à la seconde où il a eu vent de ce plat que tu cuisinais. «Cet endroit ne vous appartient plus» qu'Il leur dit de sa voix biblique. Allez chantez vos louanges dans les papilles de Pat, fils de Jean, qui savoure ce que moi-même n'aie jamais pu égaler en terme de saveurs!
-Cool. Moi aussi j'trouve ça ben bon!

***

Copine aime cuisiner. Et je crois qu'elle aime m'avoir comme cobaye. Disons que je ne suis pas avare de commentaires élogieux...

Tenez, hier, elle m'avait préparé une pizza mexicaine. Avec les instructions pour le four et tout.

Je lui ai laissé la note suivante...

Copine!
Comme j'ignorais que tu m'avais préparé un plat, j'avais invité Ricardo à souper (tu sais, celui que tu écoutes religieusement sur ton Food Channel?). Il était curieux de goûter ton plat. Seulement, il n'a pris qu'une bouchée, s'est essuyé soigneusement la bouche, le visage fermé, avant de balancer sa serviette dans un claquement sec sur la table. 
 Il s'est levé, l'air très fâché, et a quitté la maison en poussant un grand MIAM! 
Malheureusement, ses sbires ont confisqué le reste de la pizza... tu peux m'en faire une autre? :( 
 Pat qui t'aime

Reste à voir si ma ruse a fonctionné...

***

Tharisia 2 a une bonne vitesse de croisière. J'entrecoupe mes ralentissements de petites randonnées pédestres fort ressourçantes. C'est fou les idées qui me viennent sur les 400 mètres qui me séparent de ma boîte aux lettres!

Pour vous donner une idée, j'en suis à la page 103 sur un total que j'estime approcher les 300 (pour ça, on verra...).

Bref, après avoir bousillé mon plan deux fois et éventré mon texte en autant d'occasions, je suis définitivement sur la bonne voie. Je vibre sur la bonne note. Je plane. Comme un cerf-volant (blog recommandable et pouvant être lu par des enfants, pas comme d'autres... ).

***

Sauf que... :)

Ai commencé à expérimenter quelque chose... mais...

Nah, je vous en parlerai une autre fois.

lundi 10 janvier 2011

Trame

Si le défi 30-30 m'a appris une chose, c'est que je carbure aux personnages.

J'ai beau avoir des idées d'histoires, si je n'ai pas de personnages auxquels la faire vivre, l'idée se fane, s'étiole et meurt dans un coin de ma tête.

Du coup, sachant comment je fonctionne, devinez comment je fais pour débloquer un passage à vide dans mes romans?

*chorale de crickets*

Allons, c'est facile... Je fous dans les pattes de mon protagoniste quelqu'un d'intéressant avec qui interagir. Ce qui permet en plus d'approfondir le personnage principal. Montrer l'empreinte qu'il laisse sur les autres...

M'enfin!

***

Je suis un gars qui vibre facilement.

Et quand je vibre, je décroche difficilement (au grand découragement quotidien de Copine).

Je réalise que chaque bouquin que j'ai écrit jusqu'à maintenant a été rédigé au son d'une trame sonore différente et hermétique. Un son, un livre.

Un son qui n'a souvent rien à voir avec ce qui s'y passe. Qui n'a évidemment pas son mot à dire sur l'intrigue. Mais un son qui déteint peut-être un tantinet sur l'ambiance. Ça, c'est possible. Je l'admets.

***

Je me fais des promesses que je ne respecte pas.

Pas plus d'une heure, m'étais-je sermonné. T'es crevé. Tes cernes sont hideuses.

Quelques mots puis finito! (désolé pour les rimes idiotes)

Mais voilà... Finalement j'ai passé la soirée sur mon manuscrit.

2000 mots supplémentaires et un sentiment de satisfaction diffus mais tenace.

mercredi 5 janvier 2011

Morsure

Je trottine jusqu'à la boîte aux lettres.

En chemin, je tombe sur le chien du voisin. Un gros labrador brun. Comme celui qui m'a accompagné toute mon enfance, de mes premiers pas à ma première fouille en bicycle, de mes premiers gazouillis baveux à ma première peine d'amour (pauvre ti-coeur de ti-gars de 13 ans).
-T'as froid, hein mon chien? que je lui dis de derrière mon foulard.

Le chien ne répond rien. Il se contente de me suivre, les pattes enneigées. Il branle un peu la queue, mais ne veut pas se faire flatter. Il a juste le goût d'aller chercher le courrier avec moi.

Au coin de la rue, je ramasse le tas d'enveloppes et je les trie sous l'oeil un peu blasé de mon compagnon canin. Sous le lampadaire jaune, on observe les voitures passer sur la route un peu plus loin. Décidément, il fait très froid. Rentrons, d'accord mon chien?

***

Autopsie d'une morsure.

C'est le 30 décembre. Pat travaille avec acharnement dans le silence. Copine vient de partir pour le boulot. Pat corrige et corrige encore. Ça lui plaît.

Le soleil déserte lentement la grande fenêtre du salon. Dans la maison résonne les airs triturés de mauvais enregistrements live sur Youtube des chansons de The Doors. Ça n'a pas l'air d'embêter personne. Les chats roupillent ailleurs, à portées d'oreille mais invisibles, dissimulés sous le lit. Le chihuahua écouterait n'importe quoi en autant qu'elle reçoive régulièrement un peu d'attention. Et Saucisse, la tourterelle, semble apprécier. Il souligne ses passages préférés de quelques roucoulements bien sentis.

Pat réajuste une phrase. Déplace une virgule. Rajoute un passage. Replace la virgule.

Il se lève et tourne en rond dans sa cuisine.

This is the end, beautiful friend...


Quelque chose le titille. C'est en périphérie de son cerveau. Un truc qui tente de se frayer un passage...

Je travaillerai sur Tharisia 2 quand ce sera le temps, pense-t-il en chassant l'idée. Pour l'instant, corrigeons...

Of our elaborate plans, the end...


Puis ça lui saute dessus. Comme ça. Sans ménagement.

L'image dont il a besoin. La clé pour dénouer son intrigue. Le souffle qu'il lui faut pour donner un peu de vie à son manuscrit délaissé.

Ça lui arrache presque une larme de soulagement.

***

Le chien me suis jusque chez lui. Il s'arrête devant la maison vide et me regarde.

J'allais lui dire quelque chose, mais je me ravise. Les mots sonnent creux dans ma tête.

Une fine neige tourbillonne doucement devant mes yeux. Et pourtant, il n'y a pratiquement pas de nuages dans le ciel. Les étoiles, cristallisés dans l'air froid, clignotent doucement, indifférentes.

Le chien se retourne et gravit en un bond souple les quelques marches qui mènent à la porte d'entrée. Il tournoie un peu puis se couche en boule.

***

C'est la deuxième nuit d'affilée que c'est Copine qui le chasse de devant l'écran. Pat, réticent, quitte son clavier. Même s'il travaille le lendemain matin, il écrit jusque très tard dans la nuit...

En deux jours, il a presque écrit 10 000 mots. C'est tout dire.

Et alors il s'interroge. Il se demande. Je leur en parle ou pas? J'ouvre ma grande trappe ou je continue de me taire?

Je décris mes processus? Mes découvertes, mes théories?

Ouais... pense-t-il. Et dans un mois, je me relis et je me tape immanquablement sur les nerfs.

Allons... il doit bien exister un moyen de rompre le silence...

***

Le chien avale le tout en trois grandes lampées.

De la nourriture pour chihuahua qui rassasie un gros labrador brun? J'en doute.

Mais c'est tout ce que je peux faire, malheureusement.
-Courage, cabot, lui dis-je.

Ce n'est pas grand chose, mais ça t'aidera peut-être un peu à lutter contre la morsure du froid, la morsure de la nuit...

Demain matin il fera soleil. Et demain soir nous irons chercher le courrier ensemble.