samedi 27 mars 2010

Frustration

Je me rends compte que je hais les soulignements anonymes.

Lorsqu'Azdy m'a filé un (énorme) coup de main dans la correction du premier, je trouvais cela stimulant. Je m'efforçais de comprendre ce qui clochait dans ce qu'elle soulignait. J'analysais le contexte, je me creusais la tête et, en désespoir de cause, quand je nageais en plein mystère, je lui demandais gentiment de m'éclairer.

Mais je ne peux pas faire de même avec mon lecteur anonyme de chez Alire. Je n'ai pas de difficulté à comprendre ce qu'il veut dire quand il encercle des mots et des verbes qui se répètent ici et là.

Mais y a des trucs qui me font bouillir.

Une phrase comme «échapper à une rafale de tirs». Rafale de tirs souligné.

Je me gratte la tête. Je regarde le contexte, je m'assure de la syntaxe, je vérifie les accords et tout le tralala. Je consulte les dictionnaires de concurrences.

Rafale de tirs. C'est là. Ce sont des mots qui se prêtent bien ensemble dans une même expression. Mais c'est souligné. Et je sais pas pourquoi.

Oh, et apparemment, on n'aime pas le terme «désintégrateur». Il est souligné tout partout à travers le texte.

Comme dans la toute première réplique de Myr qui dit en voyant sa soeur se préparer pour son cours d'arts martiaux «Lorsque l'insurrection commencera, me dit-elle, ce ne sont pas des arts martiaux dont nous aurons besoin, mais bien de désintégrateurs

Bah oui. Des désintégrateurs. C'est une science-fiction. Ça se déroule dans le futur. On se bat avec des fusils qui lancent des petits éclairs magiques (désolé, je commence à me fâcher). Aurait-il fallu que je lui invente un nom spécifique? Genre, le «lasérotron».

Faisons l'exercice suivant: transposons Averia dans notre époque. Une jeune adolescente prédit à sa soeur qu'ils devraient s'armer plutôt que de perdre leur temps à apprendre le kung fu. Dira-t-elle «... dont nous aurons besoin, mais bien de m16a1 et de m4 équipés de lance-grenades sm-14.»?

À mon sens, non. Elle dira «on a besoin de fusils, on a besoin d'armes, de guns, ...»

Et on n'aime pas non plus le concept de «réseau». Sur Averia, le réseau sert à tout. C'est internet, c'est la télé, c'est MSN, c'est un ordinateur portable, c'est un téléphone.

Mais apparemment, c'est une invention très improbable. Ce n'est pas comme si ça existait déjà aujourd'hui. Aucun lien avec le iphone, nexus one et les autres. On ne peut pas imaginer qu'on puisse, dans le futur, relier toutes ces activités sous un même terme. C'est dur de concevoir que cette technologie soit à ce point intégrée dans la vie de tous les jours qu'on peut utiliser le terme «réseau» comme dans «éteindre son réseau» sans spécifier «éteindre le dispositif qui me permet d'accéder au réseau».

Est-ce qu'aujourd'hui on dit «je vais ouvrir l'ordinateur pour aller vérifier un truc sur internet» ou on dit «je vais aller vérifier un truc sur internet». Ça peut paraître prétentieux ou simpliste de l'expliquer ainsi, mais comme c'est Seki et Myr qui racontent l'histoire, bah j'ai essayé de faire en sorte qu'on sente que ce soit elles qui parlent. Pas Seki et Myr qui expliquent aux lecteurs du 21e siècle. Seki et Myr qui racontent. Point.

Exemple, je suis Dominic Bellavance et j'écris Toi et moi: it's complicated. Est-ce que je fais dire à mon personnage «Facebook, c'est sur internet.» Non, parce que ça fait partie du quotidien de ce personnage. Il vit là-dedans (carrément, même, si j'en crois l'extrait que j'ai lu). Il ne va pas passer son temps à nous expliquer que Facebook est un réseau social et tout le tralala. Parce que pour le personnage, ça fait partie de ce qui est normal.

Et le réseau, sur Averia, c'est la même chose. J'en explique des bouts ici et là, mais j'avais l'impression que ce n'était pas un concept bien dur à saisir. Quand le personnage tire son réseau de sa poche parce qu'il sonne et qu'il parle dedans, ben on comprend que c'est un téléphone. Quand on voit que Myr y écoute les actualités et les reportages de Charal Assaldion, ben on se dit «tiens! ça sert aussi de télévision», quand elle envoie un courriel par le réseau, bien tiens! Que c'est magique comme invention... (vous savez... comme les iphones et autres...).

Ce n'est pas par maladresse que j'ai choisi le terme «réseau», c'est par choix. C'est parce que ça fait partie de la normalité de mes personnages. Comme les gens (surtout aux États-Unis), qui utilisent de plus en plus le terme «google» pour désigner internet.

Cerise sur le gâteau de ma toute nouvelle haine contre les soulignements anonymes.
Dans ma page de présentation, je glisse la phrase suivante: «J'ai décidé de traiter l'histoire sous un angle peu abordé jusqu'à maintenant.» Et après j'explique qu'Averia est une science-fiction plus personnelle que traditionnelle, où les humains doivent apprendre à vivre sous l'occupation militaire des Tharisiens. Une science-fiction qui mise plus sur les personnages et leurs émotions que sur les combats spatiaux, les technologies farfelues et autres effets spéciaux.

Donc, «peu abordé» est souligné et, dans la marge, on a placé un unique point d'exclamation.

Mais bon sang, qu'est-ce que ça veut dire? Il aime l'idée? Il est en désaccord? Il trouve que je me goure et que ce thème est déjà largement exploré dans la littérature québécoise?

Je ne sais pas comment interpréter ce point d'exclamation. Pour le moment, j'ai l'impression qu'il me nargue. Il est arrogant, gonflé de suffisance. Il se moque de moi.

Je sais je sais... Je suis fâché.

Je dis que je veux qu'on me critique, puis j'ai l'air de prendre des grands airs.

Pourtant j'adore la critique. J'en ai besoin.

Mais dans le moment, je crois que je suis en présence d'un échec de communication. Malgré le bon vouloir probable de ce correcteur anonyme, je me rebiffe. J'accueille avec joie les commentaires sur les maladresses de style, mais j'ai l'impression qu'on s'est mal compris sur les autres trucs qu'il a souligné.

M'enfin...

***

Je sais pas si c'est encore palpable depuis quelques billets... mais je ne suis pas un garçon méchant. J'ai l'air de me fâcher contre la personne qui a pris de son temps pour me laisser quelques traces dans mon manuscrit, mais vraiment, aussi surprenant que ça puisse paraître, je lui en suis très reconnaissant.

Parfois, se confronter permet de grandir un peu...

non?

2 commentaires:

  1. Appelle-le. Demande-lui si tu peux le déranger avec quelques questions sur les traces qu'il a eu la générosité de laisser sur ton manuscrit. Je te prédis que tu vas être surpris (dans le bon sens).

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  2. Et ça ne coûte rien d'essayer, n'est-ce pas? :)

    C'est une bonne idée.

    Je vais d'abord me changer les idées, puis trouver un moyen d'harceler gentiment les gens de l'édition.

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