vendredi 4 octobre 2013

Cher Journal

Cher journal,

Ouf! Je ne t'ai pas écrit souvent depuis quelque temps! Oh là là, Journal! Je suis vraiment le pire des correspondants. Mille pardons! Bisous bisous, pardonne-moi. Pour dire vrai, je t'avais presque oublié. Si le chat n'avait pas tout renversé le contenu de ma bibliothèque (en plein milieu de la nuit, aussi, comme pour réveiller Fiston...), je crois bien que je ne t'aurais jamais retrouvé!

Quel étourdi!

Bon, vite vite, un peu de rattrapage!

En début août, je me suis échappé du Goulag. Je me sentais un peu comme cette femme, tu te souviens, dans ce film que nous avions capté à mi-chemin sur je ne sais plus quel poste en pleine nuit, il y a... oh... fort longtemps déjà. Tu sais, cette pauvre femme prisonnière, brisée par les travaux forcés, qui se traîne les pieds au milieu des colonnes d'ouvrières en loques grises. C'était la finale. Elle avait le nez collé sur le ciel bleu et regardait un oiseau battre des ailes puis planer, s'éloignant, s'éloignant toujours, libre comme l'air. Je me sentais un peu comme ça. J'ai vu le ciel bleu à travers les barbelés et j'ai décidé de ne plus jamais remettre les pieds là. Une chance, aucun gardien ne m'a flingué dans le dos tandis que je courrais à toute jambe.

Oh, Journal! Hahaha! Je t'ai raconté, pas vrai? La foi où on m'a demandé de remplacer quelqu'un en pause et qu'un bac de bonbons, rempli au moins une heure avant que j'arrive, était percé et que son contenu s'était répandu sur le sol? Et qu'on m'a engueulé comme du poisson pourri? Avec des Criss d'épais du tabarnak, quand tes osties de paniers ont des trous, tu les câlisses aux poubelles, tu mets pas des bonbons dedans? Hahaha, la face que j'y ai faite, à celle-là... Ça a du bon, j'ai appris à me défendre en gardant mon calme malgré l'envie de meurtre qui me sortait du visage.

Ah! Oui! La fois où tous les bonbons du convoyeur ont foutu le camp à terre parce que le gars qui était là avant moi avait tapé le bouton caché en dessous de la machine et que j'étais tout à fait incapable de freiner le tapis-roulant. «La prochaine fois, vérifie donc si quelqu'un à pas taper le bouton caché!» Hahaha! Oui, j'oubliais. Toujours vérifier que personne n'a saboté les installations avant de débuter un quart de travail.

Oh, ok, une dernière! Tu te souviens de la fois où ils m'ont formé sur un nouvel équipement? C'était un vendredi après-midi. Avec le gars qui voulait pas me montrer la job parce qu'il s'en allait en vacance? Je t'avais dit, hein, qu'ils m'ont mis à pied les trois semaines suivantes, parce que l'usine fermait pendant la Construction et qu'ils avaient pas besoin de moi pour la semaine qui suivait? Eh bien, quand je suis revenu, on m'a foutu à la même place, sans formateur. Et je devais gérer les quatorze machines. J'avais beau demander de l'aide, j'avais beau courir partout, j'avais beau faire de mon mieux, rien ne fonctionnait. Et quand j'ai dit à mon superviseur que je ne pouvais pas remplir ces tâches avec trois heures de training sur le tas, il m'a répondu que j'allais devoir trouver un moyen d'apprendre plus vite que ça... C'est cet après-midi là que j'ai vu l'oiseau de la liberté...

Ouais, Journal, je te l'avoue en toute sincérité: je ne regrette pas UNE SEULE SECONDE de ces huit semaines sans salaire depuis que je me suis échappé du Goulag.

Mais bon, je t'écris ça ce soir parce que ça fait du bien. Et que, finalement, après les millions de CV que j'ai envoyés depuis août, je passe enfin une entrevue intéressante la semaine prochaine. Ouf!

Fiouh! Ok, Journal. Faut que je te laisse. C'est toujours drôle de papoter avec toi, mais j'ai des bouquins à écrire, aussi!

Je promets de ne plus te cacher sous la pile de livres en cours! Ça te va?

Génial, t'es un amour.

12 commentaires:

  1. Tu as bien fait de t'échapper. Tant de travailleurs endurent de se faire traiter comme de la marde sous prétexte qu'ils ont besoin de l'argent. Bullshit! Faut avoir le courage de sacrer son camp quand ça fait pas et pour ça, bravo Pat! T'es un tough! Ça va bien se passer ton entrevue et puis, tu pourras bientôt vivre de ton art. Oh oui, je le sais! ;)

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  2. On se croirait vraiment de retour dans les "belles! années industrielles. Non, mais! Je te dis merde pour cette nouvelle entrevue.

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  3. Plein d'ondes positives pour ton entrevue!!!!!!!!!!!!

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  4. Dire que ça existe encore, ce genre d'endroit... Pitoyable.
    Un bravo pour avoir eu le courage de regarder la réalité droit dans les yeux. :)))
    Bonne chance pour l'entrevue (et tiens-nous au courant). ;)

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  5. Je te souhaite une entrevue à la hauteur de tes attentes, mon cher Patrice, pour que tu sortes au plus *&%/!%** de cette prison ! :-)

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  6. @Stephy
    Vivre de mon art? Tu me fais rêver, vilaine! Cesse! ;)

    @Hélène
    Merci! C'est un processus d'embauche complexe, à date! J'ai passé deux entrevues au téléphone déjà et un test en ligne! Ouf!

    @Aude:
    Merci :))

    @Sylvie
    Je ne me suis pas senti courageux tout de suite, mettons...
    Oh que oui, je vous tiens au courant ;)

    @Annie
    Merci! T'es un ange...

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  7. Wow ! T'as bien fait de partir de cet endroit diabolique. Tu mérites mieux qu'un poste d'esclave dans une usine douteuse :)
    Bonne chance pour ton entrevue !

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  8. Ouf! Le genre d'histoire que j'entend trop souvent. Le poste, est-ce que tu l'as trouvé au Salon de l'Emploi? Je te souhaite que ça débouche. Selon mon expérience, plus le processus d'embauche est complexe, plus l'entreprise recherche un employé qualifié et fait attention à son personnel. C'est bon signe!

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  9. @Julie-Anne
    Au début, je trouvais cette misère inspirante, mais après deux mois de ce traitement... j'en avais plein mon casse...

    @Isabelle
    Oui! C'est au salon de l'emploi que j'ai entré en contact avec les gens que je rencontrerai jeudi! Cool, hein? :)

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  10. @J-Anne
    Oh, attends, je t'ai prise pour une alter-ego de Julie-Anne de l'Orphanòs!
    Mille excuses :)
    Bienvenue ici!

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    1. À vrai dire c'est moi qu'il faut excuser. Je viens de remarquer que je m'étais connectée avec un ancien compte Google, dont j'avais complètement oublié l'existence. Ce n'est ni un alter-ego ni une autre Julie-Anne :)

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    2. Aaaaah!
      Un passé obscur qui refait surface :)
      J'connais ça.

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