Initiative de M.l'Ermite.
Rédiger un conte de Noël de 500 mots et le publier sur notre blog.
Voici ma contribution.
***
Les voitures passent. Vanessa tire encore un peu sur sa cigarette. Le vieux béton usé du perron lui donne des frissons, mais elle s'en fout. Elle a mal à la tête et ne pouvait plus supporter d'être enfermée à l'intérieur.
À sa gauche, son cousin renifle bruyamment à nouveau.
-Comment tu peux continuer à fumer après ce qui est arrivé à grand-papa?
-Tu m'énerves...
Elle aspire une autre fois, réchauffant son intérieur par petite bouffée.
-Pourquoi t'es sortie?
-Pourquoi toi t'es sorti? qu'elle réplique sans le regarder.
L'autre se mouche.
-J'crois que grand-maman aimerait beaucoup qu'on soit tous là...
-Grand-mère ne remarquera pas si je sors fumer cinq minutes.
Haussement d'épaules. Une fine neige tourbillonne au-dessus de leurs têtes, mise en évidence par le lampadaire qui crachote sa lumière jaune sur la rue.
-Quand même... un premier Noël sans grand-papa... ça fait bizarre.
Vanessa hoche la tête. Elle secoue le bout de son mégot et la cendre s'envole dans la brise avec la neige.
Elle dépose son menton dans sa main et soupire. Après un long moment de silence qu'elle trouve louche, elle se retourne vers son cousin. Son visage, fripé par l'émotion, peine à contenir ses larmes.
-Désolé, fait-il. Je... j'trouve ça dur. Ça ne te fait rien, toi?
Vanessa plisse les yeux.
-Ce que j'veux dire... J'arrive juste pas à y croire. Il avait l'air si en forme.
-Il était malade, Justin. Il l'a juste pas dit à personne.
-Mais pourquoi?
Les yeux grands ouverts, les bras tendus, les mains raides. Une lueur de fluide sous son nez. Fais-en pas trop, pense Vanessa.
-Peut-être qu'il ne voulait pas d'un paquet de monde qui braille à son chevet pendant des semaines.
-C'est intelligent, tu trouves?
-J'm'en fous! lui répond-elle sur le même ton. C'est sa décision à lui.
Elle amène sa cigarette à sa bouche, mais celle-ci s'est éteinte.
-Merde...
Tâte ses poches, en ressort un paquet d'allumettes.
-Attends, fait son cousin. Ce sont les allumettes de grand-père?
-Mon briquet est mort... Et puis elles traînaient sur son bureau.
-Parce qu'en plus tu es allée fouiller dans sa chambre?
-Ok, fiche le camp. Laisse-moi fumer en paix.
Justin s'anime. Il mouline des bras, il postillonne.
-T'as vraiment aucun respect! Dans le fond, tu t'en sacres que grand-papa soit mort. Ça ne te fait rien. J't'ai même pas vu pleurer aux...
-Justin, câlisse ton camp, le coupe-t-elle, une main pointée vers la porte.
-Je...
-Non! J'veux plus te voir. Décrisse...
Il pivote et pousse la vieille porte de bois, laissant filtrer les odeurs de ragoûts et de patates pilées.
Bravo, Justin, pense-t-elle. La vie est injuste et la mort n'a aucun sens. T'as découvert ça tout seul?
Elle tire sur sa cigarette mais oublie qu'elle s'est éteinte. Qu'est-ce que t'en sais ce que j'suis allée faire dans la chambre de grand-papa...
Vanessa brise une allumette et la gratte sur le carton. Ses doigts sont gourds, endormis par le froid.
La vie s'arrête dans un claquement de doigts, pense-t-elle encore. Un jour t'es en vie et le lendemain, CLAC... Ça donne rien de se choquer...
Le feu jaillit en une petite flamme secouée par le vent.
Puis s'éteint dans une bourrasque.
Vanessa observe le tison fumant.
-Tu vois Justin, comme ça. Juste comme ça...
Les yeux humides, elle sert le paquet d'allumettes entre ses mains.
-Bordel...
Noël, la mort, nos disparus. On dirait que c'est un momemnt de réconciliation, qui nous donn un beaume jusqu'à la prochaine souffrance. Joli conte, avec des petits-enfants, modernes et authentihques.
RépondreSupprimerMerci beaucoup Pierre!
RépondreSupprimerC'est toujours très intéressant de voir quels thèmes nos textes évoquent chez le lecteur.
Merci. Le conte est pas parfait, mais comme ç'a été rédigé en un jet en trente minutes sous le coup de l'inspiration, j'suis plutôt satisfait du résultat.
Allez, fais voir le tien maintenant! ;)
Eh ben! C't'un trente minutes bien investi. J'aime beaucoup. J'adore ton style d'écriture, tu le sais déjà. Tu réussis à nous donner la couleur des personnages en peu de mots. Comme si chaque mot a une fonction, est utile. C'est une grande qualité. En plus, ton écriture soulève rapidement l'émotion. Elle ne reste pas froide ou cérébrale. Bon, j'arrête, tu ne passeras plus dans les portes et c'est pratique de passer dans les portes. ;)
RépondreSupprimerBravo Pat ! C'est une histoire bien sentie. Ce que j'aime dans cette scène, c'est le désaccord entre tes deux personnages. Dans tout dialogue réussi, il devrait toujours y avoir ce genre de tension. Ça crée la vie, l'émotion, une énergie circule, on la sent. Tu laisses aussi planer un mystère autour de Vanessa. Elle ne dit pas tout, elle cache ses pensées. On veut comprendre son attitude, son amertume. J'ai accroché à ton récit dès les premières phrases. Encore Bravo ! Tu as réussi à rendre, en peu de lignes, cette tension dramatiqie qui manque si souvent dans les textes d'écrivains amateurs.
RépondreSupprimerSur ce, Joyeux Noël en avance !! :o)
@Karuna
RépondreSupprimerMerci :)
Les personnages, c'est là-dessus que je réfléchis le plus. Ou qui me vient le plus spontanément.
Le reste est plus difficile et pas toujours réussi ;)
(Tu vois, malgré les compliments, j'reste humble ;))
@Annie
Ouais, comme je disais ailleurs, je déteste, en tant que lecteur, me faire tout expliquer. Donc j'essais généralement de suggérer plutôt que.
Et, tu vois, je me pratique à écrire au Il et au présent? ;)
D'un coup que.
J'adore!
RépondreSupprimerDur de ne pas m'identifier à Vanessa, la cigarette en moins ;)
Très bien écrit. Beau conte moderne.
RépondreSupprimerC'est vraiment bien, Pat. J'aime beaucoup dette histoire en demi-teinte, raconté autant par les dialogues que par les gestes.
RépondreSupprimerLe seul bémol, c'est que je me demande si c'est un « conte » de Noël ou une « nouvelle » de Noël, à cause de son réalisme contemporain. La différence est tellement subtile que je n'ose pas me prononcer.
@Gen
RépondreSupprimerCar tu n'aimes pas Noël, j'ai cru comprendre ça sur ton blog ;)
@Isabelle
Merci beaucoup!
@Richard
La confrontation des petits enfants lors du premier réveillon de noël depuis la mort de grand-père.
Je suis d'accord avec toi. Traitement probablement trop réaliste pour être un conte.
J'vais travailler sur mon féérisme et me reprendrai l'année prochaine ;)
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerExcellent dialogue, une histoire qui crée vraiment de l'émotion, c'est tout dire, bravo!
RépondreSupprimerAh, et puis "travailler sur mon féérisme", ça m'a bien fait rire ça :)!!
Que de nouveaux visages sur ce blog depuis quelques jours!
RépondreSupprimerMerci pour ta visite et pour tes commentaires.
C'est très apprécié.