Je lui parle de Rocky 1 et 2, des émotions que ces films font naître en moi.
-Tu es chanceux, tu sais, me dit-elle. D'avoir ces trucs qui, chaque fois que tu regardes, déclenchent, suscitent tant de choses en toi.
Elle a raison.
Je suis critique. Vous n'avez même pas idée à quel point. Je vois instinctivement les failles, les raccourcis, les faiblesses et les moments de paresses dans les produits que je consomme. Que ce soit de la télé, des bouquins ou de la musique.
Ma blonde refuse catégoriquement d'écouter les Simpsons avec moi maintenant.
En comparaison, je me pâme, la larme à l'oeil, devant les épisodes des premières saisons.
Je vois la construction impeccable de l'histoire. Je vois les personnages, leurs sentiments, leur détresse (je vous jure! Faites l'effort de les écouter pour vrai. Je suis convaincu que les scénaristes de l'époque débutaient leurs meetings en se disant «Faisons un épisode sur la perte de sens dans une vie» plutôt qu'aujourd'hui qui ressemble probablement plus à «Faisons rencontrer aux Simpsons de la manière la plus abracadabrante qui soit la nouvelle célébrité de l'heure».).
Bref, je suis critique.
Mais quand j'aime, j'aime intensément.
Ça non plus vous n'avez pas idée à quel point.
***
Je parle toujours avec Copine.
Une citation de Terry Pratchett (un autre que j'aime d'un amour profond, vous allez finir par vous en doutez).
Il dit qu'il s'en fout un peu que le personnage soit grand comme ça ou qu'il ressemble à tel. Ce n'est pas comme ça qu'on décrit un personnage. Pour qu'il soit vivant, pour qu'on s'y attache, il faut décrire l'empreinte qu'il laisse sur son passage. L'espace qu'il occupe. Les réactions qu'il suscite. L'amour, la haine qu'il déclenche chez les autres. C'est un jeu de traces, d'empreintes.
J'illustre à Copine comment j'essaie de mettre en application la sagesse de Pratchett dans les trucs que j'écris. Je lui montre comment je tisse ma toile, les couches, les pelures qui recouvrent mes personnages. Tout est dans l'interaction, dans l'expérientiel (terme dérobé chez Annie Perreault).
Je me refuse obstinément à écrire «Oh, comme je l'aime».
Julie le remarque: «Et pourtant, à la base, ce n'est que ça: l'amour. Le jeu d'émotions qu'on cache, de séparations, de fractures, ...»
Il n'y a pas de grandes déclarations d'amour dans Averia/Tharisia. Il y a de grandes démonstrations...
Et encore là, pas de «Je frétille de joie en l'apercevant».
Je préfère les réactions plus subtiles. Comment réagit-il devant ce que l'autre dit, fait. Et à la fin, on comprend l'attachement. On a un portrait tout en relief plutôt que des mots enlignés sur du papier (ou, du moins pour l'instant, sur un écran bon marché).
Je glisse ensuite sur ce que je vous ai raconté au sujet de l'activiste qui doute. Je raconte à Julie le moteur d'Averia 2. Comment je voyais Myr («ta véritable muse», m'éclaire-t-elle) dans une relation destructrice. Je voulais voir comment elle pouvait survivre après qu'on ait étouffé le feu qui brûlait en elle. Comment elle se sentirait après qu'on lui ait arraché ce qui la propulsait jadis. Ce qu'elle se dirait après «Tout ce que j'ai fait ne servira jamais à rien» ... (la réponse dans une librairie près de chez vous, Dieu seul sait quand ;))
***
Julie me regarde, un petit quelque chose dans les yeux.
Je m'excuse, que je lui dis. Je m'épanche et je parle sans arrêt, mon assiette à peine entamée alors que la sienne se vide.
-Je suis si contente, tu sais, me fait-elle savoir. Je me souviens d'un petit Patrice pas mal perdu à Sherbrooke. Un Patrice qui ne savait plus quoi faire. Qui abandonnait ses études. Qui était triste et vide.
Un Patrice bien déçu, en effet. Un Patrice qui goûte à la défaite. Au doute.
-Alors qu'aujourd'hui tu as trouvé ta passion...
Je l'ai trouvée si gentille que je lui ai offert mon dernier morceau de bacon.
***
J'en aurais encore long à vous dire.
Encore au sujet de l'empreinte. J'en ferais le lien avec la toile de fond, l'élément science-fiction dans ce que j'écris.
Mais je ne veux pas vous perdre.
Je ne veux pas donner l'impression que je me donne de grands airs. D'avoir la prétention de vous montrer comment écrire. De prendre un ton didactique, paternel.
Après tout, je n'ai jamais publié encore.
Et j'apprends tous les jours.
C'est seulement, vous savez, que je suis un passionné.
Et que je ne peux m'empêcher de vous parler avec passion de ce drôle de passe-temps qui m'use quotidiennement les yeux et les doigts.
Merci d'être là.
Wow ! Patrice, quel bel article ! J'aime beaucoup ton authenticité et ton humilité. C'est ce qui fera qu'un jour tu vas percer le marché littéraire. Persévère et tu publieras, j'en suis certaine.
RépondreSupprimerTu as tout a fait raison de dire que l'amour est une affaire de démonstration, mon chum (vieux croulon de 48 ans, mais tellement adorable) me le dit souvent.
Merci pour ton billet qui m'incite à réfléchir...
Je me répète peut-être... En te lisant, j'ai souvent l'impression de lire les mots d'une vieille âme, remplie d'une grande sagesse. Pat, tu as des réflexions de quelqu'un qui a mille ans ! :)
Continue de nous écrire, c'est intéressant ce qui sort de toi.
Annie :)
Tu me rappelles un souper au restaurant qui a eu lieu il y a dix ans de ça.
RépondreSupprimerMon chum, à l'époque mon "nouveau chum", m'avait tout simplement lancé : "C'est drôle, tu m'as fais lire des trucs que tu as écrit pendant que tu étais au secondaire, mais là, on dirait que tu n'écris plus. Pourquoi?"
Et je m'étais mise à parler. Et il avait eu le temps de souper avant que je prenne une seule bouchée. Mais il m'avait fait renouer avec ma passion, que j'avais enterrée en pensant que ça servait à rien, que je n'y arriverais pas.
La passion m'a pourtant soutenue un autre 10 ans avant que je touche enfin au but.
Lâche pas! Jamais.
@Annie
RépondreSupprimerMerci pour tes bons mots!
Authenticité et humilité, ouais. C'est pour ça que je le rappelle de temps à autre: je ne dis pas à personne quoi faire, j'apprends et je partage mes découvertes.
Une vieille âme, tu dis?
Moi qui, à m'émerveiller devant tout et rien, me faisais plutôt penser à un jeune enfant ;)
Mais je comprends ce que tu veux dire. Et je t'en remercie.
@Gen
Tu m'insuffles une bonne dose de courage.
Ton anecdote vient faire vibrer quelques notes bien précises chez moi.
Des fois, ça ne prend pas grande chose pour raviver une passion.
Merci beaucoup de l'encouragement, donc. Venant de toi, c'est très apprécié.
Cher Pat-dont-je-ne-connais-pratiquement-rien,
RépondreSupprimersi j'étais éditeur et que je lisais ce billet, je remuerais ciel et terre pour te signer.
Je sens exactement la même chose qu'Annie, tu écris comme si tu possèdais une vieille âme sage, et je seconde Gen, ne lâche jamais, garde ta passion.
J'ai si hâte de lire quelle place le concept de l'empreinte prend dans ton roman. Je peux te dire que, dans la vraie vie, ce concept est pour moi la clé à bien des questions, dont celle du sens de l'existence même.
Chère Karuna-dont-j'en-sais-si-peu,
RépondreSupprimerTu es une perle. Vrai de vrai.
Tu l'ignores peut-être, mais c'est ton blog qui m'a poussé à sortir de ma coquille. C'est grâce à toi si j'ai tant de plaisir à échanger, si j'ai découvert un tas de gens fascinants (toi la première).
Un tas de gens passionnés.
Je t'en dois une, donc.
Et si en plus tu continues de venir m'insuffler tant d'énergie sur mon blog, j'ignore comment je vais faire pour te remettre tout ça un jour!
Merci encore.
Et voilà! J'avais laissé mon empreinte, à mon insu.
RépondreSupprimerTu ne me dois rien... sauf de persévérer. ;)