Je trottine jusqu'à la boîte aux lettres.
En chemin, je tombe sur le chien du voisin. Un gros labrador brun. Comme celui qui m'a accompagné toute mon enfance, de mes premiers pas à ma première fouille en bicycle, de mes premiers gazouillis baveux à ma première peine d'amour (pauvre ti-coeur de ti-gars de 13 ans).
-T'as froid, hein mon chien? que je lui dis de derrière mon foulard.
Le chien ne répond rien. Il se contente de me suivre, les pattes enneigées. Il branle un peu la queue, mais ne veut pas se faire flatter. Il a juste le goût d'aller chercher le courrier avec moi.
Au coin de la rue, je ramasse le tas d'enveloppes et je les trie sous l'oeil un peu blasé de mon compagnon canin. Sous le lampadaire jaune, on observe les voitures passer sur la route un peu plus loin. Décidément, il fait très froid. Rentrons, d'accord mon chien?
***
Autopsie d'une morsure.
C'est le 30 décembre. Pat travaille avec acharnement dans le silence. Copine vient de partir pour le boulot. Pat corrige et corrige encore. Ça lui plaît.
Le soleil déserte lentement la grande fenêtre du salon. Dans la maison résonne les airs triturés de mauvais enregistrements live sur Youtube des chansons de The Doors. Ça n'a pas l'air d'embêter personne. Les chats roupillent ailleurs, à portées d'oreille mais invisibles, dissimulés sous le lit. Le chihuahua écouterait n'importe quoi en autant qu'elle reçoive régulièrement un peu d'attention. Et Saucisse, la tourterelle, semble apprécier. Il souligne ses passages préférés de quelques roucoulements bien sentis.
Pat réajuste une phrase. Déplace une virgule. Rajoute un passage. Replace la virgule.
Il se lève et tourne en rond dans sa cuisine.
This is the end, beautiful friend...
Quelque chose le titille. C'est en périphérie de son cerveau. Un truc qui tente de se frayer un passage...
Je travaillerai sur Tharisia 2 quand ce sera le temps, pense-t-il en chassant l'idée. Pour l'instant, corrigeons...
Of our elaborate plans, the end...
Puis ça lui saute dessus. Comme ça. Sans ménagement.
L'image dont il a besoin. La clé pour dénouer son intrigue. Le souffle qu'il lui faut pour donner un peu de vie à son manuscrit délaissé.
Ça lui arrache presque une larme de soulagement.
***
Le chien me suis jusque chez lui. Il s'arrête devant la maison vide et me regarde.
J'allais lui dire quelque chose, mais je me ravise. Les mots sonnent creux dans ma tête.
Une fine neige tourbillonne doucement devant mes yeux. Et pourtant, il n'y a pratiquement pas de nuages dans le ciel. Les étoiles, cristallisés dans l'air froid, clignotent doucement, indifférentes.
Le chien se retourne et gravit en un bond souple les quelques marches qui mènent à la porte d'entrée. Il tournoie un peu puis se couche en boule.
***
C'est la deuxième nuit d'affilée que c'est Copine qui le chasse de devant l'écran. Pat, réticent, quitte son clavier. Même s'il travaille le lendemain matin, il écrit jusque très tard dans la nuit...
En deux jours, il a presque écrit 10 000 mots. C'est tout dire.
Et alors il s'interroge. Il se demande. Je leur en parle ou pas? J'ouvre ma grande trappe ou je continue de me taire?
Je décris mes processus? Mes découvertes, mes théories?
Ouais... pense-t-il. Et dans un mois, je me relis et je me tape immanquablement sur les nerfs.
Allons... il doit bien exister un moyen de rompre le silence...
***
Le chien avale le tout en trois grandes lampées.
De la nourriture pour chihuahua qui rassasie un gros labrador brun? J'en doute.
Mais c'est tout ce que je peux faire, malheureusement.
-Courage, cabot, lui dis-je.
Ce n'est pas grand chose, mais ça t'aidera peut-être un peu à lutter contre la morsure du froid, la morsure de la nuit...
Demain matin il fera soleil. Et demain soir nous irons chercher le courrier ensemble.
Et une délicieuse lampée pour moi. Merci.
RépondreSupprimerKaruna
Karuna.
RépondreSupprimerMa chère Karuna :)
C'est gentil de ressusciter pour me dire un petit bonjour.
Allez, dis à Sylvie qu'elle est la bienvenue ici. J'espère que cet endroit lui plaira autant qu'à toi.
Bravo, entre la morsure et le chien, je commençais à croire que ton nouvel "ami" t'avait joué un vilain tour. ;)
RépondreSupprimerContente de te voir de retour et de te savoir à nouveau inspiré! :)
Pis tu nous tapes pas sur les nerfs! :o)
Re-Allo...
RépondreSupprimerJe t'envie ;o) Écrire 10 000 mots en quelques temps, comme ça, c'est magnifique.
Ton aventure avec le cabot est aussi charmante. Tu as l'âme d'un Docteur Doolittle, ma foi!
Continue de nous entretenir de façon aussi spontanée et rigolotte. C'est intéressant de te lire.
@Karuna -Je le savais que tu reviendrais faire ton tour ;o)
Contente de te lire, Pat. Ne lâche pas : écrire c'est s'écouter, écouter ce flux qui tente de percer notre conscience pour qu'on lui accorde de l'espace, un regard, une attention, pour qu'on lui dise enfin oui, viens, tu es là, je le sais et je t'aime...
RépondreSupprimerÉcrire est vraiment une histoire d'amour, une histoire entre nous, l'écrivain, et cette créativité qui nous habite. Plus cette relation est harmonieuse, plus facile est l'écriture.
Alors, je t'encourage à continuer, car de belles histoires passent et passeront à travers toi !! :o)
Cool!! Du Pat tout frais à se mettre sous la dent!
RépondreSupprimerHeureuse de te lire à nouveau et j'en profite pour te souhaiter une année 2011 à la hauteur de tes désirs! À toi de jouer maintenant :)
@Gen
RépondreSupprimerPas trop déçue? ;)
Je peux essayer de taquiner le doberman de mon autre voisin, si tu préfères.
Lui va me mordre, c'est certain.
@Lucille
10 000 mots, c'est bien beau, mais j'ai un peu abusé aussi. C'est pas beau au travail depuis quelques jours!
De ton côté, comment avance le roman?
@Annie
Merci Annie :)
Décidément, nos visions de l'écriture se rejoignent.
@Isabelle
Haha! Je te souhaite une très bonne année à toi aussi.
Une année d'écriture et de découvertes!
Disons que mon roman est en train de prendre une toute autre tournure qu'il avait à ses débuts. Je suis en plein questionnement... je cherche... j'avance... lentement, mais sûrement.
RépondreSupprimerMerci de t'en informer ;o)
@Lucille
RépondreSupprimerJe m'informe parce que ça m'intéresse! La genèse, la construction d'un roman, ça me passionne.
Disons que je comprends ce que tu vis en ce moment ;)
Pour l'instant, il genèse à 90% dans mon petit cerveau, ce roman. En fin de semaine, je me donne comme objectif (d'essayer) de tout mettre sur papier, de tenter de me faire un plan (même si j'ai aucune idée de la façcon de procéder).
RépondreSupprimerEt ensuitre, je me consacre entièrement à l'écriture !