mercredi 3 août 2011

Réflexion sur l'écriture - Deuxième partie

J'écris mieux que hier, mais moins bien que demain...

***

Le premier texte que j'ai commencé à travailler sérieusement date de 2007-2008. Né à peu près dans les mêmes circonstances qu'Averia 2 ans plus tard, la trame du récit s'est révélée d'elle-même. Une étincelle poignante. L'envie de raconter l'histoire d'un gamin préhistorique qui cherche sa place dans sa tribu, tiraillé entre les idées progressistes du sorcier et les impératifs de survie inculqués par le chef du clan. Garçon qu'on avait échangé à sa naissance contre une pierre gravée. Le tout premier mot de l'humanité inscrit dans le roc.

Sa quête d'identité s'entremêlait à la recherche de ce premier mot disparu, de sa signification et des conséquences qu'il aurait sur l'Avenir.

La rédaction de cette petite histoire fut hélas brutalement stoppée lorsqu'une amie m'a évoqué le nom de Roy Lewis...

Dans ma tête, alors, Drou et sa tribu ne pouvait cohabiter avec les hominidés de M.Lewis.

Le projet est mort.

Mais en subsiste toujours une dizaine de pages (j'en avais plus, mais le document complet s'est évaporé quelque part).

J'en partage un extrait ici, histoire d'alimenter le reste de ma réflexion.

La tentation est forte d'en corriger les fautes et les maladresses avant de vous le présenter... :)

***

-Ah oui, Pow t’as parlé de magie... » Run le regarda de haut en bas, l’air de l’étudier. « Et qu’est-ce qu’il t’a dit exactement? »
-Il a dit que... d’autres sorciers lui ont parlé d’une nouvelle forme de magie lors d’un rassemblement . Une nouvelle magie... ancienne. Aussi vieille que le monde. »
             Les chasseurs s’aplatirent un peu plus contre le sol, alors que Run continuait de fixer Drou.
« On devrait peut-être s’en aller, Run » proposa Hagr. « Il se fait tard, le soleil commence à baisser déjà.
-Non, je veux entendre ce que le petit a à dire. Continue Drou. Qu’est-ce que t’as confié Pow au sujet de cette magie?
-On ne devrait pas parler de ça » fit faiblement Hagr en se bouchant les oreilles. « C’est interdit... »
             D’un signe, leur chef fit signe à Drou de continuer son récit, au grand dam des autres hommes recroquevillés autour d’eux.
« Pow dit que certains sorciers très puissants ont trouvé le moyen de... » Drou avala à grande peine sa salive, inquiet de toute l’attention concentrée sur lui. Mais de voir ces hommes accroupis devant lui, craignant ses paroles, fit naître en lui une certaine fierté. « le moyen de faire pousser des plantes. »
             Un long silence accueillit la fin de sa phrase. Avec lenteur, Run rompit l’épaisse lourdeur qui emplissait maintenant l’air.
-C’est impossible Drou. Ce sont les esprits qui font pousser les plantes et les arbres. L’homme ne peut pas faire pousser quoi que ce soit. Comment veux-tu que l’homme soit capable d’une telle chose?
-Je.. je ne sais pas moi non plus, chef mais...
-Mais quoi? » lâcha lentement Run, en appuyant sur chaque mot, comme une sourde menace.
« Mais Pow dit que c’est possible. Ils font pousser des herbes spécialement pour les rassemblements de sorciers et ils les fument lors de leur réunions secrètes et...
-As-tu déjà vu une plante pousser, Drou? »
             Drou était un jour resté planté pendant des heures devant une petite pousse sans jamais la voir bouger. Il avait finit par mettre fin à son étude car il craignait que ses yeux finissent par sécher.
« N-non, mais forcément qu’elles... » commença-t-il.
-Il faut attendre des journées entières avant que les plantes ne grandissent de quelques doigts. Il faudrait rester sur place pendant des dizaines de lunes avant que la plante ne soit comestible. Et il faudrait peut-être attendre plus d’une saison avant que tes plantes qui poussent grâce aux hommes ne donnent finalement des fruits. Tu connais beaucoup de tribus qui survivraient en restant bêtement au même endroit pendant tout ce temps?
-P-Pow dit que c’est ce à quoi ressemblera l’avenir...
-L’avenir? C’est ce à quoi ressemblera l’avenir? Une bande de clowns qui gratte la terre tout en crevant de faim en attendant que les plantes finissent par pousser? C’est ça l’avenir? »
          
            Run commençait à être bruyant et Hagr, qui s’était finalement déboucher les oreilles, tenta de le calmer.
« Run, calme-toi! Les types qui grattent vont t’entendre!
-Je vois ça d’ici! Dans une caverne en train de geler jusqu’aux os, sans rien à manger parce que le sorcier leur a dit qu’il ne fallait plus suivre le troupeau. Oh non! Ne suivez pas ces gros mammouths bien gras et laineux! Attendez plutôt ici dans le froid et la neige que ces petites plantes toutes blanchâtres jaillissent du sol et nourrissent toute la tribu.
-Run, je crois qu’ils nous ont repérés... »
-C’est possible! » fit Drou. Il avait un picotement derrière les yeux. Il devait lutter pour ne pas laisser couler ses larmes. « Pow dit qu’il faut penser et aller vers l’avenir! »
-L’avenir! » continua Run. « Il peut bien avoir le temps de penser à l’avenir, lui! Lui, il n’a pas à chasser, lui. Il n’a pas à traquer le gibier, à suivre ses traces, à deviner quel chemin il prendra, quand il s’arrêtera pour boire et se reposer, quand il sera vulnérable, quand nous devrions l’attaquer, comment le prendre au piège. Il n’a pas à faire tout ça. Il n’a pas à faire tout ça tout en ayant en tête que la tribu a faim. Que s’il ne ramène pas le gibier, la tribu ne pourra pas manger. La tribu ne dépend pas de lui et de ses idées sur l’avenir. Lui, il n’a qu’à nous protéger des esprits. » Il dit cela en faisant un vague geste des bras dans les airs.
« Mais il faut penser à l’avenir!
-Pourquoi?
- P-pour se libérer de tout ça!
-Se libérer de quoi? C’est comme ça que vivaient nos parents et c’est ainsi que mourront nos enfants. Penser, c’est s’arrêter. Et si on s’arrête, on meurt.
-Et si on ne s’arrête pas maintenant » dit Hagr. « Ou plutôt, si on ne court pas s’en s’arrêter maintenant, on meurt aussi. »
             Run et Drou cessèrent de se regarder et réalisèrent qu’ils étaient observés par les « types qui grattent la terre ». Le petit bout de cervelle qui s’occupe de ce genre d’urgences prit le relais et décida de monopoliser l’ensemble des fonctions cérébrales pour, ce qui sembla s’imposer de plus en plus comme la seule solution envisageable après une étude approfondie, courir à toutes jambes dans l’autre direction.
***

... mais je me reconnais toujours. Un quelque chose subsiste entre les lignes.

***

Je reconnais une tendance. Mon habitude de toujours mener le récit par le dialogue. Le plaisir que j'éprouve à étoffer mes descriptions est récent, je le rappelle. Dans ce vieux texte, je reconnais mon genre d'idées, ma façon de les amener, la structure de mes dialogues. Tout a beaucoup évolué depuis, mais en lisant ce texte, j'y discerne aisément mon point de départ. 

Je reconnais surtout mes défauts. Un paquet de trucs que j'ai traîné jusqu'au début 2010, quand j'ai enfin commencé à comprendre que quelque chose clochait.

Les points de départ me fascinent toujours un peu, je dois l'avouer... L'origine des choses. Comment tout à commencé... L'étincelle qui a tout déclenché. 

***

Et vous? Outre un vague sentiment de gêne, qu'est-ce que vous évoque vos premiers écrits?

7 commentaires:

  1. Déjà tes dialogues étaient captivants. Du talent brut.
    Merci pour l'extrait. ;)

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  2. Mais pourquoi tu le laisses dormir ce projet? Moi j'attendais la suite, leur quête, ou enquête sur le futur ou sur l'intention humaine de vouloir tout contrôler et j'imagine tes gars en train d'essayer d'arrêter la tendance. Bon, je m'emporte, c'est ton texte, pas le mien mdr!
    Ps: y'a un temps pour courir, y'a un temps pour dormir, y'a un temps pour penser, y'a pas de vallée sans mont... Bon j'arrête ^_^

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  3. Mes premiers écrits m'évoquent de grands éclats de rire.

    Cela dit, là je corrige un texte écrit pour la première fois en 2008, retravaillé en 2010... et je rame!!! Bonyenne qu'on évolue vite dans ce métier-là!

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  4. @Sylvie
    Hum! Merci!
    On me dit souvent que j'ai l'oreille pour les dialogues. Je vais finir par le croire...

    @Marie
    !!
    Je ne m'attendais pas à t'attirer par ici. J'avoue que ça me gêne que ce soit cet extrait qui tienne lieu de premier contact avec mon écriture. C'est un vieux morceau de texte un peu mal-fichu que j'ai rédigé il y a une éternité...

    Merci beaucoup pour ton commentaire. C'est une histoire qui vibre encore quelque part en moi, mais, en ce moment, je suis entièrement plongé dans ma série de science-fiction. Il y a très peu de place pour autre chose ;)

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  5. @Gen
    Tout à fait d'accord!
    Dès que je termine un manuscrit, le précédent me semble moche.

    Sinon, je dois t'avouer que je suis TRÈS surpris :)
    J'étais certain, en écrivant ce billet, de deviner quel serait ton commentaire. Je t'imaginais m'écrire: «Oh, mais tu sais, ton truc de Premier Mot est anachronique, l'écriture n'étant apparue que...»
    Ce à quoi j'allais répondre que j'avais prévu le coup et que je réservais une belle surprise pour la finale. :)

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  6. Pas envie de faire la chasse aux anachronismes aujourd'hui, j'suis trop fatiguée.

    Mais si tu m'avais dit que c'était ton nouveau projet, celui qui te tient à coeur, là j'aurais chialé! :p

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  7. Pas que ce soit important dans les circonstances mais...

    J'avais prévu le coup et je réservais une belle surprise pour la finale ;);)

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