J'ai passé une année 2012 extraordinaire...
Vous m'avez fait vivre une année extraordinaire. Je suis choyé, gâté... et très chanceux de vous avoir, de pouvoir compter sur votre soutien, sur vos yeux, sur vos commentaires.
Je le dis souvent... mais je le répète: J'ai les meilleurs lecteurs au monde.
En guise de merci timide, je partage avec vous un court extrait d'A4 (toujours en construction), qui devrait paraître au printemps.
Oh... avant de vous laisser avec le bout de texte... Je tenais à vous souhaiter un Joyeux Noël. Amusez-vous avec vos proches, avec vos amis, avec votre famille. Passez un agréable temps de fêtes, prenez le temps de recharger les batteries, de savourer à la fois la cacophonie des soirées des fête et le silence des nuits enneigées.
***
Merci encore...
***
«Je fronçai les
sourcils. J'avais déjà entendu ce nom quelque part.
— C'est la
colonie sur laquelle j'ai usé mes jeunes os quand j'avais ton âge, précisa-t-il.
— Ah bon.
Je penchai la tête sur le côté sans
m'en rendre compte; quelque chose me titillait tout à coup l'esprit. Portant à
nouveau le verre à mes lèvres, j'attendis la suite des explications de mon ami.
— J'ai appris
aujourd'hui sur le réseau que la garnison qui y est affectée a subi une
attaque.
Mon regard s'assombrit.
— Ah bon, répétai-je, beaucoup plus froide.
— Ils hissent le
pavillon de la révolution, continua Chernova. Ils appuient Kavel Assalia et son
régime de la paix.
Le régime de la paix était le nom
qu'avaient donné les monarchistes à la mutinerie qu'orchestrait Kavel. Kavel le
grand pacificateur. Celui qui levait des armées d'insurgés et qui surfait sur
la vague des vaisseaux humains pour faire tomber les Amiraux et défaire leur
emprise sur Tharisia. Celui qui plongeait l'Alliance dans la guerre civile.
Quel grand amoureux de la paix...
Kavel Assalia... l'oncle de Valerio...
Je posai mon verre, maîtrisant à
peine ma folle envie de l'envoyer s'écraser contre le mur. Chernova ne manqua
évidemment rien de mon changement d'attitude.
— Je me réjouis
de ce qui me plaît, Annika la grande anarchiste. Je ne te laisserai pas gâcher
l'abondance de ma table avec ton humeur massacrante.
— Je ne boirai
pas à ça, l'avertis-je.
Dehors, deux Tharisiens se mirent à
se disputer avec violence. Même si aucune fenêtre ne perçait les murs de
l’appartement, nous les entendions comme si la bagarre avait lieu dans la pièce
adjacente.
— Buvons aux
rêves qui se réalisent dans ce cas, proposa Chernova.
— Ça ne
m'inspire rien.
Chernova fit tourner le liquide dans
son verre, adoptant un air outrageusement dramatique.
— Alors,
trinquons aux deux vieilles épaves que nous sommes. Aux épreuves que nos
carcasses ont endurées et aux vies simples que nous comptons mener à présent.
À moitié gagnée par son sarcasme, je
consentis à lever mon verre. Il s'empressa de l’entrechoquer avec le sien dans
un « tching » vibrant.
— Un jour,
ajouta-t-il d’un ton léger, il faudra que tu me racontes ce qu'il t'a fait ce
Kavel Assalia pour que tu le haïsses tant.
Je bus une longue lampée pour
m'occuper les mains et l'esprit. Non, tu ne sauras rien, Chernova, pensai-je.
Te raconter ce qui suscite une telle haine chez moi serait te montrer à quel
point je suis hideuse à l'intérieur. J'ignore ce que je représente à tes yeux,
mais je ne veux pas que tu me voies comme ça.
Je restai assise, le verre dans la
main. Je contemplais les reflets que l'ampoule fatiguée y jetait. Ça me
rappelait un mouvement similaire. Moi, attablée dans la luxueuse salle à manger
d'Isigar, faisant tournoyer un verre en cristal sous l'oeil inquiet des
domestiques. Karam, les yeux rouges de mercuro-sable, qui m'observe, qui me
déteste un peu plus chaque seconde. Annika, le visage immaculé, qui prépare sa
vengeance.
À l'opposée, j'étais maintenant
assise au beau milieu d'un taudis, à observer les fêlures d'un verre gris, poli
par des mains usées restées accrochées trop longtemps pendant les longues
soirées d'une vie immobile.
Je me redressai soudainement.
— Tu as vécu sur
Styvieska?
Chernova, affalé sur sa chaise, le
bras appuyé avec nonchalance sur le dossier derrière lui, hocha la tête.
— C'est exact.
— La vie
coloniale et tout? Exploiter les ressources lointaines au nom de la gloire
tharisienne éternelle? demandai-je en un souffle.
Mon ami se releva et se pencha sur
son four.
— Comme tu dis.
La gloire, et cetera. La grande mission divine.
Je plissai les yeux en fixant le dos
de Chernova.
— Sauf ton
respect, commençai-je... Qu'est-ce que tu fous dans ce quartier de merde, dans
ce cas?
Il se retourna à moitié, cherchant un
indice sur mon visage.
— T'es de la
haute, l'accusai-je en pointant un doigt sur lui, me retenant de pouffer de
rire. Tu es censé avoir fait fortune dans l'aventure coloniale et être rentré
au pays pour inculquer aux gamines ingrates comme moi l'ardent désir d'oeuvrer
à l'expansion de la civilisation tharisienne dans la galaxie.
Chernova secoua la tête et retourna
à son plat. Je bus une autre gorgée avant de continuer à le harceler.
— Je suis désolée,
mais nous n'acceptons pas les gens de votre espèce dans notre quartier. C'est
dans l'une de ces grandes tours argentées que vous appartenez, avec votre
auréole de gloire et votre colossale richesse.
— Mais qui te
dit que je ne préfère pas cette vie-ci? Que je n'ai pas choisi le hakana?
Je m’apprêtai à lui lancer une autre
raillerie, mais quelque chose dans son ton de voix m'en fit passer l'envie. Il
répondait avec sa dérision habituelle, toutefois, j’y devinais un petit quelque
chose de plus. Une trace subtile d'exaspération.
Après un raclement de gorge, je
portai à nouveau le verre à mes lèvres.
— Mais... sérieusement, Chernova, que s'est-il passé?»